Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le grand agacement
On tourne en rond. Et je ne parle pas de cette peste sanitaire dont nul ne peut, aujourd’hui, prédire le terme. Depuis plus de trente ans, le port du voile provoque des poussées de fièvre régulières. Deux lois, celle de sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école, puis celle de qui punit la dissimulation intégrale du visage dans l’espace public, n’ont que peu amorti les soubresauts belliqueux. Il suffit d’un épisode a priori anodin pour relancer le juke-box à inépuisables polémiques. La venue d’une syndicaliste étudiante voilée à l’Assemblée, sans le barouf des députés qui ont quitté la salle, serait passée comme une lettre à la poste. Et pas un Français ne s’en serait plus mal porté, à l’heure où nombre d’entre eux s’inquiètent d’abord pour leur boulot. Beaucoup de bruit pour rien, alors, pour une jeune femme qui portait le hidjab, proche du foulard des vieilles bigotes chrétiennes d’antan, et non le niqab, bien plus agressif dans l’hostilité qu’il renvoie à autrui ? Dans ce face-à-face entre un prosélytisme islamiste qui surfe sur nos embarras et des chevaliers blancs de la laïcité qui ont souvent la croisade sélective, l’excès rôde sans cesse. Le voile n’a pas envahi villes et campagnes. Mais tout est ici affaire de ressenti et, si exagéré soit-il, il faut l’entendre. Ne nous leurrons guère : parmi ceux qui se lèvent contre le voile, assez peu ont le souci sincère de libérer des malheureuses d’un joug religieux que toutes n’ont pas choisi. L’ostracisation fait écho, avant tout, à un sentiment de dépossession. Celui-ci s’est doublement nourri des revendications communautaires et des renoncements concomitants, minimes mais symboliques qui, de cantines en piscines, ont creusé les failles d’une République trop peu sûre d’elle-même. Un ami, qui se revendiquait rocardien, me confiait récemment être devenu zemmourien. Cette bascule nous parle d’une société qui a perdu en aménité, à mesure qu’une laïcité pétocharde y a grossi les agacements.
« Des renoncements ont creusé les failles d’une République peu sûre d’elle-même. »