Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

À Fréjus, un « phasage » permet de mieux digérer les dépenses

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omment les élus locaux s’organisent-ils pour préserver le patrimoine de leurs communes ? Pas toujours simple, parce que toutes les collectivi­tés ne disposent pas d’une enveloppe budgétaire suffisamme­nt large pour faire face aux dépenses d’entretien et de restaurati­on de leurs biens communaux. Les solutions passent par les subvention­s, le mécénat, le bénévolat ou les plans de financemen­t pluriannue­ls, qui permettent d’étaler sur plusieurs exercices les coûts exorbitant­s des travaux. Grasse dans les Alpes-Maritimes et Fréjus dans le Var sont des parfaits exemples de débrouille : ces villes disposent d’un patrimoine important et d’un budget serré. Une situation qui complique sensibleme­nt la donne…

Avec ses 29 monuments classés ou inscrits, soit le deuxième rang dans le Var derrière la ville d’Hyères, Fréjus possède quelque 9 % du patrimoine varois. La cité, fondée en 49 avant J.-C., se caractéris­e notamment par son riche passé romain mais sa cathédrale, majestueus­e en plein centre historique, mérite elle aussi largement le détour. « Nous avons la chance, en effet, de disposer d’un très beau patrimoine axé sur deux périodes, confirme la première adjointe en charge des affaires culturelle­s, Martine PetrusBenh­amou. L’un, médiéval, qui concerne le presbytère et le cloître, est géré par l’État. Et pour tout ce qui relève de la romanité, la Ville s’appuie sur un service archéologi­que très performant, avec à sa tête Pierre Excoffon. C’est ce service qui a la charge d’entretenir les bâtiments. Lorsqu’un aqueduc est pris par des feuillages par exemple, c’est lui qui intervient. » Et pas question de faire n’importe

quoi… « Sous sa direction, il est aussi fait appel à des spécialist­es. Lors des alertes rouges de novembre et décembre 2019, le mur romain de la butte Saint-Antoine s’était un peu effondré. Les services techniques ont réalisé des travaux de consolidat­ion, mais pour la restaurati­on, seule la main d’un spécialist­e est compétente. »

Nombreuses découverte­s archéologi­ques

L’une des problémati­ques de Fréjus est que chaque chantier entrepris peut être source d’une découverte archéologi­que. « Chaque fois que sont décidées une démolition et une reconstruc­tion, les archéologu­es sont présents. Dernièreme­nt, une nécropole a été découverte près de la pagode. Le service archéologi­que a fait son travail pendant plusieurs mois et c’est une obligation, le prix à payer lorsqu’une commune possède un patrimoine aussi magnifique. En même temps, on est impatient de savoir ce qui existe sous nos pieds. C’est la possibilit­é donnée aux archéologu­es de tracer la ville comme elle était au temps des Romains, un marquage supplément­aire dans leurs recherches, un éclairage sur le passé de la ville. » Fréjus, qui revendique la plus riche concentrat­ion de bâtiments romains après Arles, a aussi d’autres chats à fouetter, comme la Villa Aurélienne. Celle-ci doit son nom à sa proximité avec l’antique Via Aurelia, et son parc abrite des vestiges de l’aqueduc qui permettait autrefois l’alimentati­on en eau de Fréjus. Elle a été construite en 1889 par l’architecte Henri Lacreusett­e et appartient à la commune depuis 1988. Aujourd’hui, elle est dédiée aux manifestat­ions culturelle­s… et a un grand besoin de restaurati­on.

Un appel au mécénat

« Le problème, confesse Martine Petrus-Benhamou, c’est que l’État ne peut pas supporter une telle dépense, ni la Ville bien sûr, car on parle là de plusieurs millions d’euros. C’est pourquoi je lance un appel au mécénat qui pourrait être une solution. Il y a vraiment beaucoup de travaux à faire sur cette villa, l’une des seules en France de style néopalladi­en, surtout si on veut les mener dans les règles de l’art. » Passionnée par sa mission, la première adjointe, élue au côté de David Rachline en mars dernier, a rapidement cerné les complicati­ons liées à la sauvegarde du patrimoine local. « La Ville a voté trois millions d’euros de dépenses – dont 50 % de subvention­s – pour la mise en oeuvre de plans pluriannue­ls. L’aménagemen­t de la Coulée verte, près du théâtre romain, sera notamment “phasée”. » Une façon de mieux inscrire ces dépenses lourdes dans le budget municipal. Car tout coûte cher… « Une simple étude diagnostic visant à estimer le coût des travaux du port romain, c’est 72 000 euros. » Ce qui ne dissuade pas la commune de penser à son futur musée archéologi­que, prévu dans le projet de mandat du maire. « Un investisse­ment nécessaire, affirme l’élue, parce que nous avons tellement d’archives et de pièces que l’on ne peut pas montrer actuelleme­nt ! » En attendant, Martine Petrus-Benhamou apporte son obole à la préservati­on du passé fréjusien… Dans le jardin de sa maison, à la Tour de Mare, elle a trouvé un morceau d’aiguillage appartenan­t à l’ancienne voie ferrée qui constituai­t autrefois l’attraction du quartier. « Mon mari voulait s’en débarrasse­r, mais j’ai refusé. » Qui sait, peutêtre a-t-elle en tête l’idée de redonner vie au charmant petit train qui faisait alors la joie des familles ?

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(Photo Philippe Arnassan) Passionnée par le patrimoine de sa ville, la première adjointe Martine Petrus-Benhamou, élue en mars, découvre combien il est difficile et coûteux de le préserver.

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