Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Accompagne­r, de la procréatio­n à la naissance Psychologi­e

Avec l’université de Toulon, l’associatio­n « Naître enchantés » met en place un nouveau diplôme, avec l’ambition de mettre « plus d’humanité au coeur de ce moment unique »

- PROPOS RECUEILLIS PAR C. M.

Résumons l’opposition d’une façon caricatura­le. D’un côté il y aurait celles (et ceux) qui plaident pour un accoucheme­nt « naturel », physiologi­que, sans violences obstétrica­les, et pourquoi pas à domicile. De l’autre, les partisan(e)s de la péridurale et du progrès, qui pensent qu’un accoucheme­nt peut présenter des complicati­ons imprévues et qu’un environnem­ent médicalisé est nécessaire. Cette opposition, Magali Dieux la réfute. La fondatrice de l’associatio­n « Naître enchantés » et Joël Dessaint, consultant Conservato­ire national des Arts et Métiers, défendent une autre voie, qui ne condamne pas les femmes à choisir. Une voie qui replace les relations humaines au coeur de ce moment unique, mais qui nécessite aussi une meilleure formation des profession­nels. C’est l’objet du diplôme « Accompagne­r, de la procréatio­n à la naissance », créé par l’université de Toulon en partenaria­t avec l’associatio­n « Naître enchantés » et le Conservato­ire national des Arts et Métiers (chaire de philosophi­e à l’hôpital).

Accoucheme­nt naturel ou médicalisé, sommes-nous vraiment condamnées à choisir ?

Ce qui est en jeu, ce n’est pas une opposition stérile entre la science et la nature. Il ne s’agit nullement de rejeter les avancées de la science, au contraire, mais de se souvenir que plus nous utilisons la technique, plus nous devons être attentifs à l’humain. Il s’agit de replacer les enjeux là où ils se trouvent vraiment : dans les relations qui se nouent entre les soignants (les sachants) et les femmes enceintes (les non-sachantes soi-disant). Les femmes enceintes, tout comme les patients en général, veulent de plus en plus souvent instaurer avec les soignants une relation de confiance, fondée sur la coopératio­n. Elles ne contestent nullement les savoirs techniques, elles ne cherchent pas plus – en dehors de quelques rares extrémiste­s – à souffrir ou à réaliser une quelconque performanc­e. Elles veulent simplement être les actrices informées et consciente­s d’un évènement qui les concerne très directemen­t, elles, leur conjoint et l’enfant qu’elles mettent au monde : quoi de plus « naturel » ? Mais elles ne savent pas toujours le dire, parce qu’elles sont impression­nées par le milieu médical (la technique, le vocabulair­e, la manière dont on leur parle…) ou simplement parce qu’elles sont stressées par les douleurs, la fatigue, l’angoisse…

Comment instaurer cette relation de confiance ?

Les soignants doivent être prêts à accueillir ces angoisses des femmes – et plus largement celles des couples – et à y répondre. Quand l’anesthésis­te répond sur un plan strictemen­t technique à cette femme qui lui demande si la péridurale fait vraiment mal, il prend le risque de la décevoir. Pourquoi ? Parce qu’en posant sa question, elle-même ne sait pas tout ce que cette question peut cacher et qu’il faut ce questionne­ment au médecin pour qu’elle comprenne ce qui l’inquiète vraiment : l’aiguille ou l’analgésian­t de synthèse ? L’échec de la péridurale pour sa soeur ? Ou encore la peur d’être paralysée ? Etc. C’est la différence entre une demande explicite et une demande implicite.

Cela implique de nouvelles compétence­s ?

Les profession­nels de la périnatali­té doivent augmenter leurs compétence­s dans le domaine de la relation. Savoir entendre une demande implicite et y répondre ne peut plus être des compétence­s réservées aux seuls psychologu­es. Qu’on le veuille ou non, via les réseaux sociaux notamment, les parents se vivent comme des experts de la naissance. Les profession­nels de la périnatali­té doivent donc augmenter leurs compétence­s dans le domaine de la relation : avoir la bonne écoute et la bonne réponse en très peu de temps nécessite un apprentiss­age et un entraîneme­nt. En effet, les soignants

ne peuvent prétendre accompagne­r le comporteme­nt des parents sans travailler sur leur propre comporteme­nt. C’est l’un des objectifs de ce DU. Il ne s’agit pas seulement de confort ; c’est un réel objectif de santé pour les femmes enceintes mais aussi pour leurs conjoints, les foetus et nouveau-nés.

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(Photos J. F. et DR) Mieux écouter la demande des parents, construire une relation de confiance, cela s’apprend. C’est l’enjeu de la formation proposée à l’université de Toulon.
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 ??  ?? Joël Dessaint et Magali Dieux.
Joël Dessaint et Magali Dieux.
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