Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’Argentin Facundo Isa veut enfin exploser
Mais où s’arrêtera-t-il ? Après avoir sorti un épatant Grand prix, album concept porté par le single Comment est ta peine ? qui fait écho à la période trouble de la Covid que nous traversons, Benjamin Biolay interprète, dans le thriller Les Apparences, un chef d’orchestre infidèle expatrié dans la capitale autrichienne. L’occasion de faire le point sur son image, ses envies artistiques et certaines de ses fructueuses collaborations. Interview.
En tant qu’artiste, avez-vous été confronté à cette notion “d’apparence”. Est-ce le traitement de cette thématique qui vous a fait accepter ce projet ?
De manière inconsciente, oui, puisque j’ai souffert de ce problème d’image, de l’idée de ce que les gens pensaient de moi, par rapport justement à mes apparences. Quelque part, ce personnage parle de moi, du chef d’orchestre que j’aurais pu devenir si je n’avais pas réussi comme je le souhaitais. La formation, que j’ai suivie au conservatoire de Lyon, mène à ce métier… Je l’ai même exercé, à dix-sept ans, à Villefranche-surSaône, ma ville natale. Il n’y avait plus de chef et c’était étrange car les musiciens étaient tous plus âgés que moi. Une expérience totalement différente de celle des studios d’enregistrement.
Aimez-vous justement flouter la fiction et la réalité… Comme c’est le cas donc dans Les Apparences mais aussi dans Chambre , de Christophe Honoré, où vous formiez un couple avec Chiara Mastroianni, votre ex-épouse à la ville ? Ce n’est pas volontaire !
Au début, je n’étais pas spécialement réjoui à l’idée de tourner aux côtés de Chiara. Heureusement, une fois sur le plateau, cette appréhension s’est rapidement dissipée. Ce sont des moments où il faut se faire violence. Je pense que certains metteurs en scène pensent qu’une étincelle jaillit quand ils font tourner un vrai couple. En musique, c’est plus facile. C’est un médium qu’on partage plus facilement avec ses amis et sa famille dans la mesure où on peut le pratiquer tous les jours, chez soi.
Les Apparences
emprunte beaucoup aux codes du thriller. Un genre que vous affectionnez particulièrement ?
Je suis un cinéphile acharné ! Je n’ai pas de genre de cinéma, je suis aussi bien réceptif à des comédies lourdingues qu’aux films plus pointus. Je regarde énormément de films américains d’auteurs, des classiques. J’adore aussi les vieux films à suspense français, comme ceux d’HenriGeorges Clouzot ou Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle.
Les collaborations comptent beaucoup à vos yeux. Comment se déroulent-elles en musique, notamment dans les duos ? Estce difficile de faire cohabiter deux univers, parfois opposés ?
Il faut s’accorder avec l’autre. S’harmoniser. Récemment, au Festival du film d’Angoulême, j’ai fait deux chansons en live avec Clara Luciani. C’était facile car on se connaît très bien puisqu’elle a fait ma première partie pendant un an et demi et on avait déjà fait des duos à la télévision. Elle a vraiment un truc pour rentrer dans un titre. Avec Jeanne Cherhal, avec qui j’ai fait Brandt Rhapsodie, c’était une autre mécanique. Un peu comme accorder un concerto pour violon et un concerto pour flûte. Mais il y avait quelque chose de soyeux, on faisait attention à l’autre, à ce que ce soit tendre… La collaboration avec Vincent Delerm, c’est encore différent car là, pour le coup, oui, je suis vraiment rentré dans son monde. Cependant, dans ce titre, Les chanteurs sont tous les mêmes, il évoque certains de nos souvenirs communs. On ne se connaît pas intimement mais on se suit l’un l’autre depuis une vingtaine d’années. Dans tous les cas, un duo impose une autre façon de chanter. J’adore ça. Ce sont des moments rares, magiques.
Pour reprendre le titre d’un de vos premiers albums, êtes-vous aujourd’hui aussi Négatif que
par le passé ?
Non ! Je ne l’ai jamais vraiment été totalement… Mais c’est ce que j’aimais chanter et, aujourd’hui, j’ai juste envie de plus de contrastes. Je ne pourrais plus faire un album monolithique comme celui-là. Je pense que je m’y ennuierais.
Et un album aussi viscéral que
qui est peut-être votre opus le plus expérimental ?
À l’origine
J’aimerais le refaire. Je pense qu’il y avait quelque chose à raconter dans cet album mais ce projet était trop ambitieux pour celui que j’étais à cet instant de ma carrière. Je n’arrivais pas à me produire vocalement, je n’arrivais pas à me “challenger” en tant que chanteur. Et puis… je m’occupais de tout sauf de la voix. Maintenant, je lui accorde le même soin qu’envers les autres instruments.
Conserver cette liberté a été difficile ? Est-ce la raison pour laquelle vous n’avez pas hésité à claquer la porte de certaines maisons de disques ?
Oui. Je peux être sauvage, emmerdant… Cette attitude ne plaisait pas, mais le vent a tourné et, dorénavant, les gens apprécient ce trait de caractère qui démontre que je sais ce que je veux. En arrivant, je dis clairement mes intentions et ce que je vais faire. Bien entendu, j’accepte les conseils mais je ne suis pas en mode “Penseur de Rodin”. Au contraire, il faut me canaliser.