Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le combat d’une mère pour son fils… ‘‘différent’’

Fanny Cherpitel se bat pour que son fils Julian, privé d’un accompagne­ment adapté, puisse suivre normalemen­t sa scolarité. Un parcours d’errance et de pugnacité. Un exemple

- EVIE POIRAULT

Elle n’y croit toujours pas. Mais à chercher le bonheur, Fanny Cherpitel, ne s’y est jamais résignée. Parce qu’aujourd’hui : « C’est la première fois qu’il a envie d’aller à l’école, qu’il a des copains et que des mamans viennent vers moi, bienveilla­ntes », se réjouit - elle avec étonnement. Fanny témoigne, pour aider ceux qui se battent pour faire scolariser leur enfant handicapé. Un droit à l’école inclusive, rendu possible par le truchement d’AESH (1), dont son fils Julian se trouve privé, depuis deux ans. Son combat est entre ses mains. Archivé en quelque 300 pages. Un fagot de feuilles noircies, où le formalisme des lettres administra­tives, côtoie la submersion des sentiments, délayés sur le papier.

« C’est toujours Julian qui pose des soucis »

Son fils, Julian, est un enfant de 7 ans dont la différence pactise avec la souffrance. Précoce, hypersensi­ble, dyspraxie. Des marqueurs de facultés, qui tôt se muent en stigmates de l’inadaptati­on scolaire. L’école, fait couver chez lui un tourbillon d’angoisses, qui le transforme en tornade. Le jeune vibrion peine à s’acclimater, sans l’entremise d’auxiliaire. En 2018, Julian est alors en grande section de maternelle en Lorraine, lorsque ses difficulté­s fomentent des griefs de plus en plus récurrents chez l’équipe éducative et les parents. Une situation de « grande souffrance » commence alors pour Fanny, et ne cesse «de s’amplifier ». Des reproches, auxquels s’ajoutent ceux de la réunion éducative, qui se fait la cause de la décision de Fanny, de déscolaris­er Julian. On lui apprend avec stupéfacti­on : « qu’il est un colis, qui passe d’une classe à l’autre, quand on ne sait plus quoi en faire », que « c’est toujours Julian qui pose des soucis, même quand il n’est pas là ». L’incompréhe­nsion s’ajoute alors à l’accablemen­t. Symptôme de son mal-être, Julian, alors âgé de cinq ans, tente, un matin d’école, de prendre cartable et manteau et de rentrer chez lui. Les enseignant­s sont « fatigués ». Fanny se sent « jugée, puis de plus en plus démunie, voire harcelée » face à la stigmatisa­tion de son jeune garçon pour son « comporteme­nt inappropri­é et incompris ».

Déscolaris­é... faute de solution

Dans une lettre demeurée sans réponse, adressée à la direction d’établissem­ent de son fils, elle a : « le besoin d’exprimer ses ressentis » et de déconstrui­re « l’excès de stigmatisa­tion » dont il est affublé, tout en formulant des interrogat­ions, pour obtenir des réponses et ébaucher des solutions. Dans cette impasse, le besoin d’AESH s’impose. Chaque jour, exhortée à venir le chercher pour le déjeuner, sa vie profession­nelle s’en trouve fortement impactée. Julian ayant été retiré de l’école en décembre durant six mois, Fanny s’est arrêtée de travailler et met à profit sa qualificat­ion d’Art thérapeute, pour aider son fils à s’ouvrir aux apprentiss­ages. Julian s’apaise, reprend confiance. La situation alarme l’inspection de l’Éducation Nationale, qui assure que « des aides sont recherchée­s ». Le temps passe, et aucune à l’horizon. Elle s’enquiert de dresser l’inventaire des démarches entreprise­s : consultati­on de psychologu­es libéraux, de soutien à domicile, thérapie familiale… « Que pouvions-nous faire de plus ? » Attendre une réponse qui ne vient pas… »

L’espoir renaît

Après l’envoi de son dossier au recteur d’académie de Lorraine, une missive lui parvient, en forme de mea culpa. Et pour cause : sa demande à consulter un psychologu­e scolaire ne leur est pas parvenue. Ayant déménagé avec sa famille, Julian intègre le cadre scolaire de Roquebrune-sur-Argens aux premiers rayons de l’été. Un nouveau départ, satisfaisa­nt mais fugitif. Dès l’entrée en CP, les difficulté­s reviennent les submerger dans un ressac : les angoisses, les comporteme­nts ingérables. Sur avis de l’inspecteur, il est « rétrogradé » en maternelle, à mi-temps, « sans compensati­on en hôpital de jour, ou aide financière ».

Seul espoir avec cette décision déchirante pour Julian : la notificati­on tant attendue d’une AESH, une ouverture de droit sans effectivit­é immédiate. Fanny, emportée par la détresse. flirte avec le marasme. À la faveur d’une énième rentrée scolaire, lors des premiers jours de septembre elle offre à son fils un nouveau départ, dans une école de Fréjus, loin d’une stigmatisa­tion qui ne cesse de se répéter. Si les difficulté­s ne sont pas dénouées, elle aperçoit des mains tendues, dans le brouillard de son combat quotidien. Gagne des alliés et le courage de repartir à l’assaut. Lance une ultime salve d’appels au secours en direction de l’ASH(2), le DASEN(3) ou encore le Directeur académique des services de l’État… La persévéran­ce finie par payer. Pour Fanny et Julian, le jour de l’automne a des allures de printemps. Car depuis mardi, Julian est accompagné : « Il va prendre le rythme de la classe progressiv­ement. La présence de l’AESH change déjà tout ». Elle y croit déjà.

1. AESH : Accompagna­nt d’élèves en situation de handicap. 2. Agents des services hospitalie­rs. 3. Directeur académique des services de l’Éducation Nationale.

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(Photo Philippe Arnassan)) Fanny retrouve le souire car son petit Julian a bien retrouvé le chemin de l’école.

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