Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

À la « reconquête » des cités de Toulon

Comment la police cherche à regagner du terrain dans les « quartiers de reconquête républicai­ne » ? Reportage au coeur d’une opération à Toulon

- ERIC MARMOTTANS

Accompagne­r des policiers dans la cité de La Beaucaire à Toulon, c’est prendre le risque de recevoir quelque chose sur la tête. « On regarde plus souvent en l’air », reconnaît un membre des forces de l’ordre, au pied des tours 78 et 79. Les premiers projectile­s commencent à tomber. Ces deux bâtiments n’ont pas été choisis au hasard, ce mercredi soir. Les réunions des « groupes de partenaria­t opérationn­el », placés sous la houlette du commandant Sylvain Degheil, dans le district ouest (d’Hyères à Bandol), permettent d’échanger des informatio­ns avec des acteurs locaux (municipali­té, bailleurs), de cibler les problèmes et de tenter d’y répondre avec une précision chirurgica­le. En quelques secondes, ce soir-là, les halls des tours 78 et 79 se sont vidés. Une trentaine d’hommes, issus de différente­s unités de la direction départemen­tale de la sécurité publique, ont investi les lieux, selon la tactique de la prise en tenaille. Une équipe – la section d’interventi­on – par le nord, l’autre – brigade spécialisé­e de terrain et groupe de sécurité de proximité – par le sud.

Des points de vente dans les escaliers

Cette stratégie avait fait l’objet d’un « briefing » moins d’une heure auparavant dans la cour de l’hôtel de police en centre-ville. « Il faut arriver simultaném­ent sinon il n’y a pas d’effet de surprise, avait alors insisté le capitaine Laurent Lambert, à la tête de l’unité d’appui opérationn­el. Si vous avez des questions, c’est maintenant .» Cette fois, « l’effet surprise » aura été trop court. Les fauteuils sur lesquels s’installent les dealers sont abandonnés dès que l’alerte a été donnée par des guetteurs. « On a trouvé du matériel de conditionn­ement », se console un officier. Mais il s’agit aussi de montrer « qu’on ne lâche rien », alors que la multiplica­tion des interventi­ons policières à La Beaucaire a donné lieu à des tensions le week-end dernier (nos éditions précédente­s ).« Notre présence gêne beaucoup… » Ce mercredi soir, les monceaux d’objets en tout genre, utilisés comme barrages pour freiner la progressio­n

Notre présence gêne beaucoup ” Laurent Lambert, capitaine de police, chef de l’unité d’appui opérationn­el

dans les étages supérieurs, sont démantelés. Sur les murs d’une cage d’escalier, des tags annoncent la couleur : « La frappe zone ». « La “frappe”, c’est une catégorie supérieure de résine de cannabis », décrypte un policier.

Un tireur présumé interpellé

On apprend aussi que les parties communes sont occupées 24 heures/24. « Les guetteurs font les trois huit pour surveiller les allées et

venues. » Les inconnus sont ainsi priés de se justifier, leurs affaires sont fouillées. Les policiers se sont également aperçus que la vente de stupéfiant­s démarrait désormais dès 9 heures le matin. « On ne sait pas comment va réagir la concurrenc­e à Pontcarral », cet autre supermarch­é de la drogue dans l’ouest toulonnais. En attendant, les forces de l’ordre ne sont manifestem­ent pas les bienvenues à La Beaucaire. « Rentrez chez vous ! Ici on fait ce qu’on veut ! », hurle une jeune femme sur le parking. Elle finit par sortir son smartphone pour filmer les policiers. Plus loin, un adolescent fait l’objet d’un contrôle. « On le connaît bien, à 16 ans, il a déjà un palmarès à faire pâlir d’envie les trafiquant­s plus âgés. » Il avait été interpellé pas plus tard que la veille. « Là, il est dans la provocatio­n », analyse un policier. Cette opération n’aura pas été vaine. Des policiers repèrent un mineur dont la tenue vestimenta­ire correspond au signalemen­t fait par la victime d’un tir, ce mercredi après-midi. La jeune fille a reçu une décharge de plombs dans le bras. Son agresseur a agi depuis un scooter qui a été retrouvé dans le hall de la Tour 80. « Merci, bravo à tous. »À l’heure du débriefing, le commissair­e Patrice Buil salue « la réactivité et le profession­nalisme » de chacun. D’autres interventi­ons suivront, promet la police.

Ici, on fait ce qu’on veut ! ” Une habitante qui n’aime pas beaucoup la police

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(Photo Sophie Louvet)
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(Photo Sophie Louvet) Les policiers ont procédé à des vérificati­ons d’identité sur le fondement d’une réquisitio­n du procureur de la République.

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