Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
À la « reconquête » des cités de Toulon
Comment la police cherche à regagner du terrain dans les « quartiers de reconquête républicaine » ? Reportage au coeur d’une opération à Toulon
Accompagner des policiers dans la cité de La Beaucaire à Toulon, c’est prendre le risque de recevoir quelque chose sur la tête. « On regarde plus souvent en l’air », reconnaît un membre des forces de l’ordre, au pied des tours 78 et 79. Les premiers projectiles commencent à tomber. Ces deux bâtiments n’ont pas été choisis au hasard, ce mercredi soir. Les réunions des « groupes de partenariat opérationnel », placés sous la houlette du commandant Sylvain Degheil, dans le district ouest (d’Hyères à Bandol), permettent d’échanger des informations avec des acteurs locaux (municipalité, bailleurs), de cibler les problèmes et de tenter d’y répondre avec une précision chirurgicale. En quelques secondes, ce soir-là, les halls des tours 78 et 79 se sont vidés. Une trentaine d’hommes, issus de différentes unités de la direction départementale de la sécurité publique, ont investi les lieux, selon la tactique de la prise en tenaille. Une équipe – la section d’intervention – par le nord, l’autre – brigade spécialisée de terrain et groupe de sécurité de proximité – par le sud.
Des points de vente dans les escaliers
Cette stratégie avait fait l’objet d’un « briefing » moins d’une heure auparavant dans la cour de l’hôtel de police en centre-ville. « Il faut arriver simultanément sinon il n’y a pas d’effet de surprise, avait alors insisté le capitaine Laurent Lambert, à la tête de l’unité d’appui opérationnel. Si vous avez des questions, c’est maintenant .» Cette fois, « l’effet surprise » aura été trop court. Les fauteuils sur lesquels s’installent les dealers sont abandonnés dès que l’alerte a été donnée par des guetteurs. « On a trouvé du matériel de conditionnement », se console un officier. Mais il s’agit aussi de montrer « qu’on ne lâche rien », alors que la multiplication des interventions policières à La Beaucaire a donné lieu à des tensions le week-end dernier (nos éditions précédentes ).« Notre présence gêne beaucoup… » Ce mercredi soir, les monceaux d’objets en tout genre, utilisés comme barrages pour freiner la progression
Notre présence gêne beaucoup ” Laurent Lambert, capitaine de police, chef de l’unité d’appui opérationnel
dans les étages supérieurs, sont démantelés. Sur les murs d’une cage d’escalier, des tags annoncent la couleur : « La frappe zone ». « La “frappe”, c’est une catégorie supérieure de résine de cannabis », décrypte un policier.
Un tireur présumé interpellé
On apprend aussi que les parties communes sont occupées 24 heures/24. « Les guetteurs font les trois huit pour surveiller les allées et
venues. » Les inconnus sont ainsi priés de se justifier, leurs affaires sont fouillées. Les policiers se sont également aperçus que la vente de stupéfiants démarrait désormais dès 9 heures le matin. « On ne sait pas comment va réagir la concurrence à Pontcarral », cet autre supermarché de la drogue dans l’ouest toulonnais. En attendant, les forces de l’ordre ne sont manifestement pas les bienvenues à La Beaucaire. « Rentrez chez vous ! Ici on fait ce qu’on veut ! », hurle une jeune femme sur le parking. Elle finit par sortir son smartphone pour filmer les policiers. Plus loin, un adolescent fait l’objet d’un contrôle. « On le connaît bien, à 16 ans, il a déjà un palmarès à faire pâlir d’envie les trafiquants plus âgés. » Il avait été interpellé pas plus tard que la veille. « Là, il est dans la provocation », analyse un policier. Cette opération n’aura pas été vaine. Des policiers repèrent un mineur dont la tenue vestimentaire correspond au signalement fait par la victime d’un tir, ce mercredi après-midi. La jeune fille a reçu une décharge de plombs dans le bras. Son agresseur a agi depuis un scooter qui a été retrouvé dans le hall de la Tour 80. « Merci, bravo à tous. »À l’heure du débriefing, le commissaire Patrice Buil salue « la réactivité et le professionnalisme » de chacun. D’autres interventions suivront, promet la police.
Ici, on fait ce qu’on veut ! ” Une habitante qui n’aime pas beaucoup la police