Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Tuerie de Cuers : le village et le Var à jamais meurtris
Le 24 septembre 1995, Cuers bascule dans l’horreur : au petit matin, Eric Borel, 16 ans, sème la mort, au hasard, avec sa carabine, laissant douze corps sans vie avant de se suicider. La veille, à moins de 10 km, à Solliès-Pont, il a sauvagement tué sa mère, son beau-père et son frère de 11 ans. Vingt-cinq ans plus tard, la fureur meurtrière de l’adolescent hante toujours les esprits.
Trente minutes, douze corps privés de vie. Un parcours macabre. Ce dimanche 24 septembre 1995, le village de Cuers se réveille tranquillement en ce premier jour d’automne. La température est douce. Les lève-tôt vont et viennent déjà sur la place de la Convention. Un garçonnet court chercher une baguette à la boulangerie, une retraitée promène son chien, un père de famille se presse pour aller retirer de l’argent au distributeur de la Caisse d’épargne. Des anciens prennent la direction du Café sur commerce. Un dimanche quelconque. Jusqu’à ce qu’une détonation brise la quiétude. Un tir d’arme feu qui n’interpelle pas immédiatement. Entre collines et vignobles, la présence de chasseurs n’étonne pas. Une deuxième détonation plonge le village dans l’horreur.
Bascule dans la tragédie
Penchée à sa fenêtre, alertée par des coups de feu à répétition, une Cuersoise assiste à une scène terrible. Vêtu d’un jean noir, d’une veste en cuir noire aussi, carabine 22 Long Rifle en main, un jeune homme au regard froid, d’un calme troublant revient sur ses pas. Vers une de ses victimes déjà blessée par balle, allongée au beau milieu de la route. « Je l’ai vu revenir. La personne bougeait encore….» Froidement, il réarme et achève l’homme d’une balle dans la tête. « Sans excitation apparente, sans se cacher », témoignera la riveraine.
En l’espace d’un moment, Eric Borel, 16 ans, fait basculer le bourg de 8 000 âmes dans une tragédie. Il devient un meurtrier qui va, de sang-froid, abattre entre SollièsPont et Cuers, en moins de quelques heures, quinze personnes. Quinze victimes parmi lesquelles se trouvent Marie-Jeanne, sa mère, Yves, son beau-père et Jean-Yves son demi-frère âgé de 11 ans. Mais aussi celui qu’il considère comme son meilleur ami, Alan Guillemette, et des inconnus qui ont le malheur, ce jour-là, de croiser son chemin.
Huis clos sanglant à Solliès-Pont
La veille du drame, à moins d’une dizaine de kilomètres de Cuers, Eric Borel quitte la maison familiale de la traverse des Aiguiers à Solliès-Pont. En pleine nuit, il ferme le portail en fer et laisse derrière lui la maison de style néoprovençal au crépi rose. Aucun cri, aucun aboiement n’a éveillé l’attention des voisins. L’adolescent laisse derrière lui le cadavre de son petit frère de 11 ans dans la salle à manger, tué par arme à feu et à coups de marteau, celui de son beau-père dans la cuisine et de sa mère dans l’entrée. Il s’est acharné sur les visages, sauf sur celui de sa mère
Marie-Jeanne avant de s’enfuir. Il longe l’autoroute, dans la campagne en direction de Cuers. Il s’assoupira près d’un arbre, le sac chargé d’une cinquantaine de munitions pendant que Jean-Luc, le fils d’Yves, 21 ans, de retour au foyer familial vers 2 heures, découvre les corps mutilés des siens. Sous le choc, il ne fera part de la disparition d’Eric que vers 4 h 30 du matin, sans que les enquêteurs ne puissent présumer qu’il soit l’auteur du triple meurtre. Réveillé dès l’aube, Eric Borel a un objectif ce dimanche : rejoindre la villa de son ami Alan. Il tape à la porte de l’habitation, sa mère ouvre. Il demande à le voir. Il va discuter quelques minutes avec ce dernier, lui proposant certainement de fuguer avec lui. Alan refuse. Il tourne le dos. Borel arme la carabine et tire. Le jeune homme s’écroule grièvement blessé. Malgré son transfert en urgence par hélicoptère vers l’hôpital de la Timone à Marseille, il décédera des suites de ses blessures. Il avait 17 ans. Plus rien ne va alors arrêter l’ado meurtrier.
La ville assassinée
Peu avant 7 h 30, il rejoint le coeur du village de Cuers où il va semer la mort. Au hasard des rencontres.
Sans jamais prononcer un seul mot. Il vise, avec précision et tue. Encore et encore. De vieux messieurs, un enfant, une femme. Alerté, un policier municipal a pu récupérer son arme dans un coffre à l’hôtel de ville – en 1995, les agents communaux ne portaient pas d’arme –, pour traquer l’individu. Sur sa route, certains parviennent à fuir, à prévenir les autres de se cacher. On entend des « Couchez-vous ! », « Il faut le descendre ». Les renforts de gendarmerie encerclent finalement l’adolescent accroché à sa carabine. Toujours replié dans un profond mutisme, tel une machine à tuer. Presque inhumain. Il s’enfonce alors dans un lotissement entouré par les forces de l’ordre. À quelques mètres du collège de la Ferrage, près d’un buisson, il stoppe sa course et retourne l’arme contre lui. Il est près de 8 heures, ce dimanche, quand Eric Borel se suicide après une effrayante tuerie où il aura supprimé la vie de quinze personnes. Marquant à jamais l’histoire de ce village chaque 24 septembre.