Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Au coeur des traditions

Marthe Ceppi, présidente du musée d’histoire locale de Fréjus, vient d’avoir 90 ans. Depuis sa prime jeunesse, elle n’a jamais délaissé le centre ancien, ni sa passion pour la Provence qu’elle cultive et transmet

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Peu de personnes peuvent s’enorgueill­ir d’être les témoins privilégié­s de l’histoire quasi séculaire de leur commune. Marthe Ceppi, 90 ans, fait partie de ces Fréjusien (ne) s qui ont connu la guerre, la transforma­tion de la ville, les concerts aux Arènes... et surtout les fêtes traditionn­elles provençale­s. Le parcours – privé comme profession­nel – de la cofondatri­ce et présidente du musée d’histoire locale semble guidé par une mission : la transmissi­on. Le film de sa vie ? Il aurait pour cadre le centre ancien de Fréjus et serait sous-titré en langue provençale. Marthe Ceppi, née au Muy, emménage au coeur de la cité romaine à l’âge de deux ans. Elle va à l’école communale tandis que ses parents tiennent un commerce rue Seyes. «Je me rappelle qu’ils parlaient le provençal entre eux. Donc c’était facile pour moi d’apprendre à connaître la langue. D’où cette passion que j’essaie de transmettr­e. Mes petits-enfants ont d’ailleurs passé l’option ‘‘provençal’’ au bac ».

De son enfance, elle garde notamment le souvenir vivace de l’arrivée des Allemands. «En 1943, j’avais 12 ans, nous avons été répartis dans deux salles capitulair­es du cloître de la cathédrale Saint-Léonce car les Allemands avaient pris possession de notre école. Quand il y avait des alertes, on descendait en courant au soussol de l’église. C’est fou le contraste et l’innocence : on ne s’est jamais autant amusé ! ».

Par la suite étudiante en comptabili­té, elle fait ses premiers pas, à 19 ans, dans le monde du travail comme secrétaire chez un ‘‘mûrisseur de bananes’’ à SaintRapha­ël. « Je me suis mariée et on a travaillé au dépôt de charcuteri­e dans l’avenue de Verdun à Fréjus. À l’orée de mes 40 ans, j’ai changé de registre en prenant le poste de secrétaire à l’office de tourisme. Ça aura duré 20 ans ».

Passionnée de voyage et de musées, la trésorière de l’associatio­n des Amis du pays de Fréjus entreprend son maire, François Léotard, à la fin des années 80 :

« Je lui ai dit qu’il manquait quelque chose, un musée qui illustre la propre histoire de la ville, les aspects de la vie sociale, économique et culturelle. Peu de gens savent, par exemple, que Fréjus était à une époque le premier producteur de pêches. Alors faisons connaître nos spécificit­és ! François Léotard accepte et m’indique la pièce d’une vieille maison située dans une rue parallèle à la rue Montgolfie­r. ‘‘Amassez ce que vous pouvez et après on verra’’ me dit-il. On a commencé à recevoir des dons et le musée d’histoire locale est devenu ce qu’il est devenu (rue JeanJaurès depuis 1990) ».

Chaque année, l’établissem­ent culturel propose quatre exposition­s différente­s. « Enfin, pas ces derniers temps à cause de la crise sanitaire. On attend le feu vert, car on veut proposer à partir du mois d’avril et pour cet été une mise en lumière des grandes fêtes traditionn­elles, notamment à l’occasion des mariages, des baptêmes et des communions. À l’époque, il y avait environ 80 communions par an pour 10 000 habitants. Maintenant, c’est 4 pour 50 000 habitants… »

Le ‘‘bon vieux temps’’, comme on dit, coïncide aussi avec un centre-ville animé.

« C’est le jour et la nuit. Disons qu’autrefois, tout se passait dans le coeur de ville. Il n’y avait pas de grandes surfaces, les commerces de proximité avaient la cote. Il y avait donc bon nombre de fêtes, ici et là sur les places, surtout aux beaux jours. Sans compter la période des grands concerts aux Arènes qui créaient une vraie dynamique dans le centre-ville ».

De dynamisme, Marthe Ceppi n’en manque pas. Pour enrichir chaque année l’offre du musée d’histoire locale, comme pour s’adonner à son autre passion qu’est le chant. « Cela fait un bout de temps que je suis à la chorale de la Miougrano. Vous imaginez bien que j’affectionn­e tout particuliè­rement le répertoire provençal de musiques anciennes… »

La Miougrano ? Tiens donc. L’illustre groupe folkloriqu­e de chant et de danse, qui donne chaque année le ‘‘la’’ lors des fêtes traditionn­elles (bravade, fête du raisin, fête votive de Saint-Aygulf, fête du port...), est présidé par Nicole Lyan, la fille de Marthe Ceppi. De l’atavisme dans l’air...

« Elle avait 7 ans quand elle a adhéré à la Miougrano » se félicite la doyenne, qui replonge dans le temps avec un plaisir non dissimulé.

Aujourd’hui, Marthe Ceppi coule toujours des jours heureux dans le centre ancien – « juste à côté en fait » – dans sa maison de la rue de l’Escabois, qu’elle prononce immanquabl­ement en provençal.

« Eh oui ! Ici, à l’époque, c’était le lieu où l’on regroupait les troupeaux en partance pour la transhuman­ce. Escabeù en provençal, c’est un rassemblem­ent de troupeaux qui n’appartienn­ent pas au même propriétai­re. Les bêtes étaient d’ailleurs marquées au fer pour que l’on puisse connaître leur provenance. Escabois, ça ne veut rien dire ».

Croyons cette ambassadri­ce de la langue provençale sur parole !

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Amassez ce que vous pouvez et on verra après…’’

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Textes : Thomas HUET ; thuet@nicematin.fr Photos : Philippe ARNASSAN
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