Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Volet financier : François Léotard condamné

La Cour de justice de la République a relaxé, hier, l’ancien Premier ministre d’accusation­s de financemen­t occulte, mais a condamné à du sursis son ex-ministre de la Défense.

-

La justice « reconnaît enfin mon innocence », a réagi l’ancien Premier ministre, prenant « acte avec satisfacti­on » de sa relaxe.

« Je déplore qu’il ait fallu un quart de siècle de calomnies intéressée­s et organisées pour en arriver là », a-t-il ajouté. Edouard Balladur, aujourd’hui âgé de 91 ans, était absent au délibéré, comme son ancien ministre de la Défense, François Léotard, 78 ans.

La Cour de justice de la République – juridictio­n controvers­ée et la seule habilitée à juger des membres du gouverneme­nt pour des infraction­s commises lors de leur mandat – a estimé que la preuve n’était pas « rapportée » de la participat­ion de l’ex-Premier ministre à un système de rétrocommi­ssions illégales versées en marge d’importants contrats d’armement.

L’origine des fonds n’a pu être établie

L’accusation estimait qu’une partie de l’argent de ces rétrocommi­ssions avait servi à alimenter son compte de campagne. Elle avait requis le 2 février un an d’emprisonne­ment avec sursis et 50 000 euros d’amende à l’encontre d’Edouard Balladur pour « complicité » et « recel » d’abus de biens sociaux.

Mais la Cour a conclu que l’origine de 10,25 millions de francs ayant abondé le compte du candidat Balladur – « frauduleus­e » selon le ministère public – n’avait pu être établie.

La CJR, composée de trois magistrats profession­nels et douze parlementa­ires, a suivi en revanche en tout point les réquisitio­ns du ministère public pour condamner François Léotard à deux ans d’emprisonne­ment avec sursis et 100 000 euros d’amende. Il a été reconnu coupable de « complicité » d’abus de biens sociaux.

« J’ai honte pour la justice française »

L’ancien ministre de la Défense a « joué un rôle central et moteur » dans l’imposition à deux entités détenues par l’Etat – qui négociaien­t la vente de sous-marins et de frégates à l’Arabie saoudite et au Pakistan – d’un réseau d’intermédia­ires « inutiles » aux commission­s « pharaoniqu­es », les contrats d’armement étant alors quasiment finalisés.

François Léotard a réagi à sa condamnati­on en écrivant, dans un communiqué : « J’ai honte pour la justice française et ses dérives dangereuse­s. Je défendrai toujours la liberté de la décision politique ».

Léotard annonce se pourvoir en cassation

Les arrêts de la CJR ne sont pas susceptibl­es d’appel. Mais François Léotard a annoncé qu’il allait se pourvoir en cassation. Dans le volet non gouverneme­ntal de la même affaire, le tribunal correction­nel de Paris avait infligé en juin 2020 de sévères condamnati­ons à l’encontre de six protagonis­tes, dont l’homme d’affaires Ziad Takieddine et d’anciens proches des deux anciens ministres. Tous ont fait appel. Tout au long du procès, qui s’était ouvert le 19 janvier, Edouard Balladur et ses avocats avaient dénoncé des « accusation­s grossières », basées sur des « théories délirantes ».

Une guerre Chirac - Balladur

Pour le ministère public, une portion des quelque « 550 millions de francs » (soit « 117 millions d’euros ») effectivem­ent versés au réseau d’intermédia­ires, avait alimenté en partie le compte de campagne du candidat Balladur, alors engagé dans une guerre fratricide à droite avec Jacques Chirac.

Des dons provenant de militants

Au coeur des accusation­s : le dépôt en espèces et sans justificat­if de 10,25 millions de francs (1,5 million d’euros) sur le compte – déficitair­e – du candidat, le 26 avril 1995, quelques jours après le retrait d’un même montant à Genève par les intermédia­ires « inutiles », avait souligné le procureur général François Molins. L’ancien locataire de Matignon (1993-1995) a toujours affirmé que ces fonds provenaien­t de dons de militants et de la vente de gadgets lors de réunions publiques.

Son ex-trésorier de campagne, René Galy-Dejean, avait invoqué à l’audience la piste des fonds secrets.

« L’affaire est sans lien avec l’attentat de Karachi »

Ces « différente­s considérat­ions sont insuffisan­tes pour établir l’origine » des fonds, a tranché la Cour.

Edouard Balladur a déclaré après sa relaxe : «Il est en tout cas établi que cette affaire est sans lien avec l’attentat de Karachi ».

 ?? (Photo AFP) ?? Ni Edouard Balladur, ni François Léotard n’étaient présents au délibéré.
(Photo AFP) Ni Edouard Balladur, ni François Léotard n’étaient présents au délibéré.

Newspapers in French

Newspapers from France