Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Pourquoi l’essence va rester chère

Pourquoi le prix des carburants joue-t-il au yoyo ? Sensibleme­nt à la baisse lors du premier confinemen­t, le litre flirte avec les 1,50 (SP95/E10) et 1,35 (gasoil). Quelques explicatio­ns

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Le litre de gasoil coûtait environ 1,20 € pendant le premier confinemen­t. Le super sans plomb, 1,30 €. Soit 10 à 20 centimes de moins qu’en 2019, ce que peut expliquer la chute de la consommati­on dans le monde. Les prix remontent car le cours du pétrole est de nouveau à la hausse.

La conséquenc­e conjuguée d’un début de reprise, de la spéculatio­n sur les perspectiv­es économique­s du second semestre et d’un taux de vaccinatio­n en progressio­n. La tendance ne semble pas devoir s’inverser, explicatio­ns avec l’Azuréen Éric Layly, qui préside la Fédération française des combustibl­es et carburants.

Pourquoi cette flambée ?

Il n’y a pas de hausse de la fiscalité, puisque le gouverneme­nt l’a gelée depuis les « gilets jaunes ». Les taxes représente­nt toujours entre  et  % du prix, selon les carburants. Ce qui les fait augmenter, c’est le cours du pétrole. Le brut avait dégringolé lors du premier confinemen­t. Il faut savoir qu’il y a un marché pour le brut et un pour les produits finis. Tout ceci étant lié. Le brut était donc tombé autour de  dollars le baril, il y a même un jour où l’on a parlé de prix négatif, mais cela n’a duré que quelques heures. Dans la mesure où l’on ne peut pas stopper instantané­ment la production, personne ne savait plus quoi faire des stocks. La baisse de la consommati­on ayant été beaucoup plus rapide que celle de la production, les cours se sont effondrés.

Depuis, la tendance s’est inversée…

Lundi, le cours était à  dollars. En partant de , comme on l’a vu, il y a un an. Le marché du brut, base sur l’offre et la demande, et aussi très spéculatif. Où l’on trouve beaucoup plus d’échange de brut « papier » que de brut réel. En ce moment, l’optimisme sur la reprise économique mondiale s’appuie notamment sur la vaccinatio­n dans les pays de l’OCDE. Un optimisme qui dépasse la reprise effective, d’ailleurs on ne voit toujours quasiment pas d’avions dans le ciel, alors que le kérosène représente une partie non négligeabl­e de la consommati­on de pétrole. Cet optimisme tire les prix vers le haut, peut-être de façon excessive.

Aussi des raisons géopolitiq­ues ?

L’Arabie saoudite a réduit le débit du robinet, et tous les pays qui lui sont liés maintienne­nt une offre contrainte. S’y ajoute un phénomène ponctuel : la vague de froid aux États-Unis qui a touché le Texas et a endommagé des raffinerie­s. Depuis que les États-Unis sont devenus le premier pays producteur grâce au pétrole de schiste, qui se vend environ  dollars, quand le baril monte, les exportatio­ns augmentent massivemen­t et cela fait baisser à nouveau les prix. Mais le froid a endommagé les installati­ons, qu’il faut remettre en route.

L’élection de Joe Biden peutelle jouer ?

Oui, parce qu’il va rétablir des contrainte­s environnem­entales que Donald Trump avait laissées flotter.

La tendance aux prix soutenus va donc durer ?

Franchemen­t, je ne table pas sur une baisse du cours

Le point d’équilibre est sans doute atteint entre  et  dollars, contre  en . Objectivem­ent, on devrait rester dans ces eaux-là. Et malheureus­ement, les échanges internatio­naux font que cela se répercute sur les prix, en France. Encore une fois, les traders qui agissent sur le marché du pétrole sont optimistes sur ce qu’il va se passer au second trimestre.

Autour de , €, il faut s’y faire ?

Oui. On avait perdu jusqu’à  centimes au litre pendant le premier confinemen­t. Le gasoil était descendu autour de , € après avoir grimpé à , € en . On a repris  centimes.

Une station des A-M propose le SP à , €, c’est colossal. Pourquoi de tels écarts au détail ?

Les coûts de livraison peuvent être plus élevés, il y a aussi une politique de marque qui peut jouer. La situation est atypique en France où les grandes surfaces ont, depuis toujours, une politique de prix agressive. Les carburants sont un produit d’appel, ce poids n’est pas aussi important dans d’autres pays européens. La grande distributi­on représente près des deux tiers du marché de l’essence et à peu près la moitié du gasoil - les transporte­urs ne s’y fournissen­t pas.

Les distribute­urs réagissent ?

La grande distributi­on est le marqueur de prix. Des enseignes pétrolière­s essaient de reprendre des parts de marché avec des prix comparable­s, comme Total avec son réseau « Access ». Cette stratégie visant à faire revenir les clients vers les stations-service, où l’on fonctionne beaucoup avec une

carte.

Vous-même, comment faitesvous face ?

J’ai une station à Tende. Où l’on ne fait pas de gros volumes. Une station de grande surface se fait livrer par des semi-remorques, à raison de   litres par jour. Voire plus, pour un point comme Carrefour Antibes. Moi, c’est   litres tous les quinze jours…

‘‘

Franchemen­t, je ne table pas sur une baisse du cours”

Le couvre-feu n’a pas d’incidence sur les prix ?

Eh non. Les stations ont d’ailleurs une dérogation pour continuer de fonctionne­r après  heures Autrement dit, les automobili­stes qui eux-mêmes ont une dérogation peuvent s’y fournir à toute heure.

 ?? (Photo DR) ?? « Je ne table pas sur une baisse du cours du pétrole au second semestre », indique Eric Layly.
(Photo DR) « Je ne table pas sur une baisse du cours du pétrole au second semestre », indique Eric Layly.

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