Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Florbela, une plombière « Exception’Elle »
La Niçoise de 43 ans recevra ce midi à Paris, en cette journée internationale des droits des femmes, un prix national pour son parcours. Femme dans un métier d’hommes, elle raconte
Le rutilant sac rouge et noir trône sur sa terrasse. Siglé d’une grande marque de plomberie, il recèle dix kilos de matériel. Pas peu fière, Florbela le couve des yeux. « C’est plus important pour elle que d’avoir eu un Louis Vuitton », s’amuse tendrement Guillaume, son mari.
Ce sac est synonyme, pour Florbela Loureiro da Rocha Gil, d’accomplissement. Au terme d’un parcours de vie étonnant, la maman de 43 ans vient de décrocher le prix national « Exception’Elle » de l’AFPA (lire (1)
par ailleurs). Le trophée « Métiers pour elles » de sa catégorie est attribué à « une femme pionnière qui ouvre la voie dans un métier où la place des femmes est particulièrement rare ».
La Niçoise ne pouvait mieux coller à cette définition. Elle vient d’achever une formation de plombière-chauffagiste. Le secteur de l’installation thermique et sanitaire ne compte que… 2,2 % de femmes.
« Un parcours de dingue »
Énergique, fonceuse, Florbela a raté sa vocation au tournant du bac, dans son Portugal natal. Elle voulait travailler dans le bâtiment. « Dans notre pays, les maisons se construisent en famille, ça vient de là. » La formation était hélas trop chère. Alors va pour l’armée. Et tant qu’à faire, parachutiste.
Puis elle intègre la police militaire. Avec, au passage, quatre mois en Irak. « J’aime les défis », sourit cette sportive invétérée, amatrice de course à pied et de musculation.
« Elle a un parcours de dingue », s’enthousiasme la Mentonnaise Pascale Gérard, directrice nationale de l’innovation sociale à l’AFPA. Arrivée en France en 2006, Florbela envisage d’être chauffeur routier, l’armée lui ayant offert la possibilité de passer tous les permis. Ce sera finalement assistante de vie aux familles, grâce à une formation de l’AFPA.
C’est là, à côtoyer des métiers manuels, que lui revient son rêve de jeunesse : le bâtiment. Elle est, depuis février, diplômée en installation thermique et sanitaire. La quadra cherche une entreprise pour travailler et envisage à terme de monter sa boîte. « Les clients sont heureux de voir une femme, ils ont moins de mal à ouvrir la porte. Ils apprécient notre sérieux. »
« Dès que j’appelais, c’était non »
Femme dans un métier d’hommes : rien de facile pourtant. « Entrer dans le milieu des hommes, ce n’est pas un cadeau. Il a fallu convaincre Pôle emploi, on me disait que c’était trop physique pour moi. » Même difficulté pour trouver un stage.
« Dès que j’appelais, c’était non. »
Dans ce parcours du combattant, Florbela a pu compter sur le soutien de son mari, de sa famille, mais aussi sur celui de l’AFPA. Et notamment de son maître formateur. « Koehl, K-o-e-h-l, Serge Koehl, épelle-t-elle. Un homme exceptionnel. »
Auprès de lui, la plombière a appris la règle de l’art.
« Dès qu’on s’en détournait un peu on se faisait taper sur les doigts. C’est un grand professionnel. »
« Le plus important, c’est d’être contente d’aller travailler »
La Niçoise est maman d’un jeune garçon autiste, pour lequel elle a mis pendant six ans sa vie entre parenthèses. On comprend mieux pourquoi, quand elle embarquera ce matin à 6 h 30 dans l’avion avec son formateur, pour aller chercher son trophée à Paris, Florbela ressentira nécessairement un peu de fierté.
Son sac de plombière, lui, restera à la maison. C’est en partie grâce au prix de 1 000 euros qui lui sera remis qu’elle a pu l’acheter. Son conseil aux autres femmes ? « Entourez-vous bien, soyez épaulées. Et le plus important, c'est d'être contente d'aller travailler le matin. Si on ne fait pas ce qu’on aime, on n'est pas heureuse dans son travail, et donc chez soi. »
1. Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes.