Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le gros pavé dans la royauté
« Aujourd’hui, les Anglais se divisent plus que jamais entre partisans et adversaires de la monarchie »
Ils sont beaux, jeunes, ils s’aiment. Un vrai couple de magazine, dont le bonheur de vivre se poursuit dans une villa hollywoodienne aux belles dimensions. Cette romance n’en est pas une pour tout le monde. Et notamment pas, après la fracassante interview que les deux jeunes gens ont accordée à la star de la télévision américaine Oprah Winfrey, pour la famille royale britannique. Le coup porté à Buckingham par Harry et Meghan est sévère. Libre à chacun d’apprécier l’attitude des deux ex-membres de ce qu’ils appellent, d’une expression volontairement méprisante, « la firme ». Enfants gâtés qui n’ont pas supporté la stricte discipline des palais et ont choisi de se construire, en Californie, un vaste paradis que leurs confidences suffisent à entretenir ? Ou bien un homme et une femme modernes, convaincus que la monarchie est une survivance, où l’hypocrisie règne derrière le protocole, la cruauté derrière les sourires ? Peu importe le jugement porté sur le « Megxit » et les deux jeunes insoumis. La réalité est que la monarchie anglaise risque tout simplement de ne pas résister à l’attaque venue du sixième prétendant au trône et de son épouse. D’abord parce que la reine est une vieille dame : même si elle résiste assez bien aux duretés du temps, elle n’a pas des années de règne devant elle. Son Premier ministre, monté en ligne pour affirmer devant la presse « sa plus grande admiration à la reine » a affirmé à celle-ci son respect pour le « rôle unificateur » qu’elle joue dans le pays. C’est bien de cela qu’il est question : aujourd’hui, les Anglais se divisent plus que jamais entre partisans et adversaires de la monarchie. Plus grave, l’unité du Commonwealth est remise en cause par ceux qui, au Canada et en Australie surtout, ont trouvé dans l’interview d’Harry et Meghan de quoi plaider pour leur indépendance visà-vis de la Grande Bretagne. Encore plus grave : en sousentendant que c’est par racisme qu’elle a été exclue de Buckingham, Meghan Markle a jeté un gros pavé sur la royauté. D’autant qu’elle a ajouté que cette condamnation ne concernait ni la reine ni le prince Philip, désignant ainsi, sans le dire, le prince Charles ou son fils William, éventuels successeurs d’Elizabeth. Lorsqu’on sait que le Commonwealth unit des pays comme le Cameroun, l’Inde et le Nigeria, comment une telle accusation ne fragiliserait-elle pas la couronne ?