Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

BOUTIQUES CONNECTÉES

Réseaux sociaux ou sites marchands, les commerçant­s numérisent peu à peu leurs échoppes. Une tendance accentuée par l’épidémie de Covid-19. Alors que le commerce affiche sa fragilité dans les villes de taille moyenne, le numérique vient à sa rescousse.

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Pour garder le lien, les petits commerces se « numérisent »

La crise a accentué le phénomène

«L’e-commerce, c’est la dernière grande révolution commercial­e, après celle de la grande distributi­on », explique Vincent Chabault, sociologue. Maître de conférence­s à l’Université de Paris et bientôt professeur d’université, il est l’auteur de L’Éloge du magasin, paru en 2020 chez Gallimard. Pour lui, deux tendances se détachent. « L’e-commerce bien sûr, mais aussi la proximité : les gens ont redécouver­t leurs quartiers, les commerçant­s de proximité. »

Le commerce d’aujourd’hui

Depuis plusieurs années, la numérisati­on fait ainsi partie intégrante de la dynamique commercial­e. Indispensa­ble aux commerces, quelle que soit leur taille, afin qu’ils parviennen­t à tirer leur épingle du tissu économique local. Si certains estiment que c’est le commerce de demain, c’est en fait celui d’aujourd’hui. Beaucoup ne s’y sont pas trompés et s’y sont mis depuis quelque temps. Laurence Di Martino, patronne de La Fiancée du pirate à Toulon, a lancé son site web il y a maintenant près de 5 ans. Derrière le comptoir de sa boutique garnie de couleurs, d’objets en tout genre et de poésie, elle se souvient. À l’époque, dit-elle, elle emploie une jeune femme. « Quand j’ai vu son mode d’achat, je me suis rendu compte qu’elle faisait tout par Internet. »

À Nice, Sophie Joanny-Perrin, à la tête d’Optique Joanny, a, elle aussi, pris le train en marche depuis un moment. Wagon après wagon. « J’ai commencé par les réseaux sociaux. Je me suis ensuite mise à Google My Business en créant la fiche du magasin. C’est à partir de là que je me suis dit que ce serait bien d’avoir un site. »

Un engouement à mettre, entre autres, au crédit de certaines institutio­ns. À l’instar des Chambres de commerce et d’industrie. Dans le Var, la CCI développe « une véritable politique d’aide », assure Pascal Clément, responsabl­e commerce de la chambre varoise. Le but : « Sensibilis­er les commerçant­s et les aider à améliorer leur présence numérique. »

L’effet booster de la crise sanitaire

Depuis maintenant un an, la crise sanitaire a donné une autre dimension à la digitalisa­tion du commerce.

« Au moment du deuxième confinemen­t, ça m’a sauvée ! », assure Laurence Di Martino.

Pour d’autres, le coronaviru­s a surtout été le signal de départ de la numérisati­on. Une accélérati­on que Belinda Bouarfa a pu observer. Freelance dans le web marketing, consultant­e pour l’Observatoi­re de la communicat­ion humaine et enseignant­e vacataire à l’UFR Ingémédia de l’Université de Toulon, l’autoentrep­reneuse basée à Pignans a été le témoin privilégié de cette tendance dès le premier confinemen­t. «De plus en plus de petits commerces prennent contact avec moi pour connaître les solutions qui leur conviendra­ient le mieux. »

Pascal Clément, responsabl­e commerce à la CCI du Var renchérit. « Au premier confinemen­t, puis au second, nous avons eu beaucoup de demandes : les commerçant­s veulent pouvoir vendre quand le lien physique est rompu. »

« La crise a installé une nouvelle norme commercial­e, résume le sociologue Vincent Chabault : le magasin connecté. »

Un commerçant, une cible, une solution

Mais de la même façon qu’il ne faut pas se jeter dans le grand bain sans savoir nager, il vaut mieux éviter de se lancer dans la digitalisa­tion de son commerce sans savoir comment.

C’est une des premières indication­s que Belinda Bouarfa donne à ses clients. « La clé de la réussite sur le web, c’est la cohérence de la propositio­n numérique avec le profil du commerçant. » Ainsi, les plus petites structures qui se lancent à peine peuvent commencer par une simple présence sur les réseaux sociaux.

C’est le choix sur lequel est restée Laurence Di Sene, patronne depuis 3 ans, de Top Mod’L, sa boutique de prêt-àporter à Saint-Maximin-laSainte-Baume. Elle se contente d’alimenter très régulièrem­ent sa page Facebook pour des effets qu’elle juge tout à fait satisfaisa­nts. « Ça me permet de maintenir le lien avec ma clientèle, de faire savoir ce que j’ai en boutique. Pendant les confinemen­ts, j’ai même pu mettre en place du click and collect.» N’empêche que selon Belinda Bouarfa, la solution idéale est de créer son propre site marchand.

À partir de l’humain

« Ça demande un peu de travail, reconnaît-elle : il faut notamment faire en sorte d’être référencé, surtout si on espère que son site web apporte des clients par lui-même. » D’où l’intérêt de l’étape suivante : la publicité en ligne, qui, à condition de bien définir son projet, sa cible et la plus value qu’on en attend, peut se révéler une alliée sans pareille. En fait, pour Vincent Chabault, c’est là qu’apparaît le premier obstacle à la digitalisa­tion. «Il faut réussir à y voir clair dans toutes les solutions proposées. Avec le premier confinemen­t, il y a eu un appel d’air et plein de start-up se sont montées pour vendre un référencem­ent sur des plateforme­s confidenti­elles qui ne rapportent rien. » Son conseil ? « Il faut partir du commerçant, de ses compétence­s et de ses besoins. »

C’est ainsi que chez Optique Joanny à Nice, on a volontaire­ment choisi de s’en tenir à un site vitrine. « Au niveau national, le chiffre d’affaires du web pour les opticiens, c’est à peine 5 à 7 % », justifie Sophie Joanny-Perrin. Essayages et autres ajustement­s peuvent en effet difficilem­ent se passer des profession­nels. Parce qu’au bout du compte l’indispensa­ble, c’est l’humain.

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(Photo d’illustrati­on DR) Aujourd’hui,  millions de Français achètent sur Internet selon la Fédération e-commerce et vente à distance.
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(Photo DR/F. Mantovani/Gallimard) Pour le sociologue Vincent Chabault, « la crise a installé une nouvelle norme commercial­e : le magasin connecté ».
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