Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le Foch envoyé à la casse
La mobilisation pour sauver le navire n’aura pas suffi : vingt ans après l’avoir acheté à la France, le Brésil vient de vendre l’actuel São Paulo à un chantier de démantèlement en Turquie.
On savait depuis 2018 que le compteur du porte-avions São Paulo, fraîchement retiré du service actif, resterait peu ou prou bloqué à 1,8 million de kilomètres. On a désormais la quasi-certitude que s’ajoutera quand même une dernière traversée de l’Atlantique à ces 46 « équivalents tours du monde ». La nouvelle, tant redoutée par les nostalgiques de l’ancien porte-avions Foch , est en effet tombée : le navire a été vendu aux enchères par le Brésil à un chantier naval turc, qui entend le déconstruire.
C’est le site web brésilien Airway.com.br, spécialisé en aéronautique, qui a révélé l’information. « La coque qui appartenait à la Marinha do Brasil a été vendue pour 10,5 millions de réals (1,5 million d’euros). Le bateau a été acquis par une société représentant le chantier naval de démantèlement Sok Denizcilikve Tic. Le navire sera remorqué en Turquie entre mai et juin de cette année. »
tonnes d’acier à la ferraille
Pour tous les passionnés et anciens marins de l’ex-Foch, cédé au Brésil en l’an 2000, c’est un coup dur. La semaine passée, nous relations justement dans ces colonnes le combat de l’un d’eux, Emerson Miura (voir par ailleurs). Ce retraité de l’armée de l’air auriverde avait ainsi développé un projet sérieux de reconversion du navire en musée-porteavions. À la suite d’un premier appel d’offres infructueux lancé par l’état sudaméricain, il espérait encore pouvoir participer aux enchères...
En France, c’est l’association des Anciens du porteavions Foch qui s’était saisie du dossier, tentant d’alerter quelques haut gradés sur la possible disparition d’un pan du patrimoine militaire français. Récemment, une lettre avait même été envoyée
à l’Élysée, pour sensibiliser Emmanuel Macron aux dangers potentiels d’un démantèlement à la va-vite du côté de l’Inde et de la plage d’Alang… plus connue pour ses déchets polluants que pour son sable fin. Le fait que la Turquie ait été choisie par le pays de Jair Bolsonaro enterre probablement les derniers espoirs de reconversion de ce jumeau du Clemenceau, armé en 1963.
« La Turquie est en conformité avec les lois européennes sur le recyclage des navires, confirme Emerson Miura. La France, qui a un droit de regard sur la fin de vie de son ancien bateau, va être sollicitée pour officialiser cet achat en délivrant un certificat.
Nous allons toutefois veiller à ce que le navire ne soit pas détourné vers l’Asie si d’aventure l’enlèvement de l’amiante coûtait trop cher… » L’acheteur devra aussi s’assurer que seront respectées les exigences de la Convention de Bâle sur la circulation des « déchets dangereux ».
Accumulant les soucis depuis son départ de Toulon, où il fut basé de 1976 à 2000, le porte-avions et ses 24 000 tonnes d’acier vont donc probablement finir à la ferraille. Ne resteront que ses vétérans et les livres d’histoire pour perpétuer la mémoire de ses glorieux faits d’armes.