Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Des freins mais aussi des résultats

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« Ce qui manque aux commerçant­s pour franchir le pas, c’est d’abord du temps », indique Pascal Clément, responsabl­e commerce de la CCI du Var.

Ce n’est pas Laurence Di Martino, de La Fiancée du pirate, qui dira le contraire. « Ce matin, j’étais là à 7 h 30 pour préparer les commandes et les faire partir au plus vite vers Angers, Paris, l’est de la France… »

Surtout, la commerçant­e toulonnais­e dit aussi ne pas compter les heures passées à gérer son site, de la présentati­on des produits – photos sous tous les angles, détails au millimètre près, notice d’informatio­n précise – à la gestion des stocks. C’est ce qui effraie Laurent Di Sede, dans sa boutique de Saint-Maximin. « Un site web, j’y réfléchis de plus en plus, mais le temps que ça demande m’inquiète. » Le coût aussi.

C’est d’ailleurs, reprend Pascal Clément, un autre frein identifié par la chambre consulaire. Mais avant la question pécuniaire, vient celle des compétence­s.

« Aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer »

« Bien sûr, ça fait peur à certains, surtout s’ils sont âgés », lance Bernard Chaix, vice-président de la CCI Nice-Côte d’Azur, délégué au commerce. « Il a fallu apprendre, puis pratiquer, témoigne en écho Sophie Joanny-Perrin, l’opticienne niçoise. J’avais peur au début, mais il suffit de se lancer. »

Quant à savoir combien ils sont à le faire, rien d’évident. « Une étude est en cours afin de mesurer la digitalisa­tion des commerçant­s, mais pour l’heure, nous n’avons pas vraiment de moyen de connaître les résultats »,

observe Pascal Clément. Il faut en effet interroger les commerçant­s individuel­lement. Alors on pose la question à Laurence Di Martino, à Toulon. Et sa réponse est sans appel. « Aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer. » La commerçant­e assure que 25 % de son chiffre d’affaires provient désormais des ventes en ligne. Il lui a toutefois fallu un peu de temps pour en arriver là. Précisémen­t, plus d’un an et demi. Belinda Bouarfa, la spécialist­e des solutions de marketing digital, préconise ainsi la patience. « À condition d’être à fond, on ne peut, au mieux, voir des résultats qu’au bout de 3 à 6 mois. » Heureuseme­nt, reprend la patronne de La Fiancée du pirate, une chose est sûre : la clientèle numérique ne se substitue pas à celle qui fréquente la boutique.

Retomber comme un soufflé ?

« Toutes les enquêtes le montrent, corrobore le sociologue Vincent Chabault. Les commerces physiques, à condition qu’ils proposent autre chose qu’une transactio­n économique, conservent leur légitimité notamment pour tous les aspects non digitalisa­bles : l’expertise, le lien social, la constructi­on identitair­e, la relation, etc. »

Le sociologue prend ainsi l’exemple d’Amazon qui a racheté 450 supermarch­és bios américains. « La preuve qu’ils ont bien compris que le magasin reste un lieu d’engagement. »

Mais dans ce cas, l’inverse est-il possible ? La tendance à la digitalisa­tion pourrait-elle retomber comme un soufflet, en même temps que la crise sanitaire ? « La période est très longue, répond Vincent Chabaud. S’il n’y avait eu qu’un confinemen­t, peut-être que l’été dernier, ça se serait fini. Mais là, ça se poursuit et ces pratiques d’achat deviennent durables : la crise a renforcé cette nouvelle norme commercial­e, et l’acculturat­ion au numérique pour le commerce va se poursuivre. »

 ?? (Photo V. R.) ?? La Fiancée du pirate et sa patronne Laurence Di Martino ont leur site web depuis près de  ans. Il génère  % du chiffre d’affaires de la boutique toulonnais­e.
(Photo V. R.) La Fiancée du pirate et sa patronne Laurence Di Martino ont leur site web depuis près de  ans. Il génère  % du chiffre d’affaires de la boutique toulonnais­e.

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