Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le collectif anti-carrière fait appel à l’Europe

Opposé à l’exploitati­on par un carrier de ce site classé et réserve d’eau potable, le collectif anti-carrière a décidé de politiser l’affaire pour se faire entendre et se dit prêt à agir en justice.

- RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

La pression monte à Mazaugues, ce petit village habituelle­ment si tranquille de la communauté d’agglomérat­ion de la Provence Verte. Réputé jusqu’alors pour sa forêt primaire de la Sainte-Baume et la grotte de Marie-Madeleine, halte de nombreux pèlerins et marcheurs, il va bientôt être connu de la Commission européenne pour la carrière sur le point de s’implanter dans le vallon de l’Epine.

En effet, le collectif qui se bat depuis plusieurs années contre l’exploitati­on de cette carrière par la société Provence Granulats, et n’en est pas à sa première action, a décidé de politiser le débat. Il a invité la députée européenne de la France Insoumise, Manon Aubry, à écouter leur plaidoyer, dans le cadre de la Journée mondiale de l’eau. Malgré les panneaux officiels – notamment ceux du conseil départemen­tal, invitant à la prudence en raison des risques d’effondreme­nt – le groupe se rend non loin de la future zone d’exploitati­on de la carrière. Là, les pieds prudemment posés sur les lapiaz, ces roches calcaires, comme celles qui seront extraites du site où l’eau de pluie a créé des failles naturelles qui pourraient engloutir un homme qui n’y prendrai garde, le collectif pose tout haut, les questions qui interpelle­nt.

Menace sur l’eau potable de Toulon

Pourquoi et comment une telle carrière peut s’implanter sur un site Natura 2000, autrement dit ayant une grande valeur patrimonia­le, par la faune et la flore exceptionn­elles qui y prospèrent ?

Comment une carrière peut menacer des colonies de chauve-souris, protégées au niveau européen, sans que personne n’y trouve à redire ? D’un point de vue plus technique, Denis Moles, du collectif anti-carrière explique : «Leprojet porte sur 25 hectares. En dessous c’est du gruyère, partout. » Un gruyère qui lui, n’a rien de naturel. Ce sont les Gueules Rouges, ces mineurs varois qui sortaient la bauxite des entrailles de la Terre, qui l’ont créé en creusant des galeries. « Il y en a de Tourves jusqu’à la Celle. Elles descendent à 350 mètres de profondeur et sont toutes connectées. » Manon Aubry écoute.

Ce risque s’ajoute à celui des lapiaz. Il y a un risque d’effondreme­nt généralisé. C’est Géodéris qui le dit » souligne Bruno Vojtisek du collectif anti-carrière. Géodéris est

«un Groupement d’intérêt public (GIP) constitué entre autres, par le ministère de la Transition écologique et solidaire, à qui il est censé apporter une expertise sur les anciens sites miniers.

Les interrogat­ions se succèdent. « Comment peut-on autoriser cette exploitati­on, sachant qu’en dessous les galeries sont noyées et que cette eau se retrouve dans le lac de Carcès, qui alimente en partie Toulon en eau potable » questionne Yves Margaria, ingénieur, natif de Tourves. Il s’inquiète aussi de la pollution que cela engendrera­it sur l’eau des Lecques, qui alimente son village. À l’époque de la bauxite, l’eau était pompée pour permettre le travail des mineurs mais depuis elle a repris ses droits et envahit à nouveau les galeries. Désormais celles-ci constituen­t une réserve stratégiqu­e en eau classée dans le SDAGE, schéma directeur d’aménagemen­t et de gestion des eaux Rhône Méditerran­ée.

Une affaire privée

« Ce qui interpelle, poursuit Bruno Vojtisek, c’est que les explosions auront lieu à proximité d’un site classé Seveso 2, qui correspond à l’entreprise Titanobel, qui produit de l’explosif civil. Cet explosif sert justement à l’exploitati­on des carrières et risque de laisser des traces de nitrate dans l’eau. De surcroît, cette société possède le terrain sur lequel l’exploitati­on de la carrière va commencer. »

La première réaction de Manon Aubry est que « le projet a été construit en toute aberration écologique et démocratiq­ue. Quelque chose se passe sans le consenteme­nt des citoyens. »

L’Europe va devoir répondre

Sa première action va être d’interroger la commission européenne autant de fois qu’il le faudra jusqu’à obtenir des réponses précises. « Aujourd’hui, on discute de la loi climat et les sites Natura 2000 en font partie, précise-t-elle. Ilya des contradict­ions entre l’ambition affichée et ces projets concrets qui ont un impact majeur sur l’environnem­ent. » Elle compte aussi se tourner vers le ministère de la Transition écologique qui a validé le dossier.

Mais pour l’instant elle aussi se pose des questions : « Comment peut-on être alerté sur les risques de sécheresse et en même temps prendre le risque de polluer l’eau et augmenter le stress hydrique dans la région. »

Le collectif espère que les collectivi­tés vont répondre à ses demandes d’entrevue, que ce soit Renaud Muselier, président de la Région, Yannick Chenevard de Toulon-Provence-Méditerran­ée, Marc Giraud pour le conseil départemen­tal. Selon Manon Ruiz, membre du collectif « des recours gracieux auprès du maire Laurent Gueit sont en cours. Et s’ils n’aboutissen­t pas, on ira en contentieu­x et on attaquera le permis de construire. » Celui-ci, signé sur injonction du tribunal administra­tif du Var, par Laurent Gueit, le maire de Mazaugues, porte notamment sur les locaux pour le broyeur. Un maire qui dit aujourd’hui «nepas souhaiter se positionne­r. »

 ?? (Photos Laurent Martinat) ?? Manon Aubry, députée européenne se fait expliquer par Bruno Vojtizek, membre du collectif anti-carrière de Mazaugues.
(Photos Laurent Martinat) Manon Aubry, députée européenne se fait expliquer par Bruno Vojtizek, membre du collectif anti-carrière de Mazaugues.

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