Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Justice d’apaisement pour des Gilets jaunes niçois anti-radars

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Au moment de l’enquête de gendarmeri­e, ils ont été placés quatre jours en garde à vue. Un délai réservé habituelle­ment aux associatio­ns de malfaiteur­s. À l’époque, Kévin, Elsa, Jonathan, Bertrand, Malaury et Alain, 22 ans pour la plus jeune, 36 ans pour le plus âgé, se retrouvaie­nt régulièrem­ent sur le rond-point de Saint-Isidore, à Nice. Dans l’euphorie de ce mouvement social, certains sont allés souiller de peinture des radars de l’A8 en décembre 2018 et mars 2019, d’autres ont incendié un radar à Eze, le 5 mai 2019.

Ils voulaient s’en prendre « aux symboles d’un État racketteur, oppresseur », estimaient qui les radars prenaient de l’argent sans sauver des vies. Personne, manifestem­ent, ne leur avait indiqué que dans les années 70, on dépassait allègremen­t les 16 000 morts par an pour moins de 3 000 tués désormais, qu’un bien public est financé par l’impôt des citoyens… L’affaire a été maintes et maintes fois renvoyée en raison, notamment de la pandémie, avant d’être examinée ce lundi.

Elle ne veut pas aider les juges

Les tensions sont retombées et le président Édouard Levrault parvient à garder son calme quand bien même Elsa, une jeune vendeuse, inconnue à ce jour de la justice, n’a ni le bon ton, ni le bon comporteme­nt devant un tribunal. Au moment de son interrogat­oire par la brigade de recherche de Menton, elle avait dénoncé Malaury, son petit ami de l’époque, un ouvrier de bâtiment poursuivi pour avoir badigeonné de peinture deux radars et incendié celui d’Eze. Aujourd’hui, elle ne veut surtout pas aider les juges à comprendre ce qui s’est réellement passé à cette période. « Je conteste complèteme­nt… Les gendarmes poussent à dire des choses », répond la jeune femme aux remarques du président.

Me Brosson, l’avocat de Malaury souligne que « les accusation­s d’un coaccusé, à défaut d’autres indices, ne suffisent pas, selon la Cour de cassation, à entrer en voie de condamnati­on ». « Ce ne sont pas des délinquant­s », tonne pour sa part Me Scolari.

Relaxe et jours-amendes

Un briquet a été retrouvé avec l’ADN de Kévin près d’un radar incendié. Le prévenu est l’un des trois à avoir le désavantag­e d’être déjà connu de la justice : « Un briquet ça se prête. Pourquoi m’en prendre à un radar ? Je n’ai pas de voiture ni de permis. Je n’ai pas participé directemen­t même si j’étais Gilet jaune. Il y avait 200 personnes ce soir-là qui voulaient brûler des radars. »

La grande fraternité des ronds-points a volé en éclats à la sortie des gardes à vues. Alain a balancé des noms. Il est le seul absent du procès. Il a, depuis, trouvé un petit boulot d’intérimair­e en région parisienne.

Pour la procureure Clémence Bravais, qui se fie à la géolocalis­ation des téléphones, aux différente­s auditions et parfois aux indices trouvés sur le terrain, Kévin mérite 8 mois de prison dont deux avec un sursis probatoire. Contre Bertrand, «le plus actif des gilets jaunes, de toutes les manifestat­ions, de toutes les dégradatio­ns », la magistrate requiert 6 mois de prison et 1 000 euros d’amendes. Ce sont des jours-amendes qui sont demandés à l’encontre de Jonathan, Alain et Malaury. Finalement, Mes Kim Cam et Elyes Ksia et Christian Scolari obtiennent ce qu’ils sont venus chercher : la relaxe de Kévin, Elsa et Bertrand. Les trois autres (défendus par Mes Julien Brosson, Hervé de Surville et Hélène Badeo) écopent de 150 jours-amendes à 20 euros. Les radars, eux, à 80 000 euros pièce, fonctionne­nt à nouveau.

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(Photo doc F. F.)

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