Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Maxime Bianco le jour, Adriana Crawford la nuit

À 28 ans, il se transforme en femme pour assumer pleinement sa personnali­té. Grâce au maquillage, il camoufle ses faiblesses et devient celle qu’il n’arrive pas à être au masculin.

- ANAÏS GRAND agrand@nicematin.fr

Survêtemen­t gris, baskets blanches, barbe noire, cheveux courts. En journée, Maxime Bianco ressemble à n’importe quel homme.

Mais une fois la nuit tombée, il se glisse dans la peau d’Adriana Crawford.

Féminine, sexy, drôle. Décomplexé­e.

« Je suis transformi­ste, confie-t-il.

Pourtant, je ne me suis jamais dit que j’allais être un jour une dragqueen. »

Tout est arrivé par hasard. Il y a dix ans, un ami organise un concours brassant tous les talents et lui demande de participer. Maxime Bianco accepte. Il se fait maquiller par une profession­nelle. «La tenue, je l’ai empruntée à ma mère. Une petite jupe et un haut en dentelle. » Ses talons, il les déniche dans un sex-shop. « On ne trouve pas de taille 44 ailleurs… »

Fard à paupières, perruque, lentilles de couleur, mascara, rouge à lèvres, blush… Dans le miroir, le Fayençois se contemple, bluffé. Et la scène ? « C’est ce que j’ai le plus aimé. Je connaissai­s déjà la sensation ; j’ai fait de la danse pendant 13 ans et me produisais. Là, c’était un peu différent. Je faisais rire les gens et je découvrais une autre facette de ma personnali­té. »

« Il voulait que je sois footballeu­r »

Maxime Bianco, c’est la timidité, l’introversi­on, la discrétion. Adriana Crawford ? L’humour, l’extraversi­on, le brut de décoffrage. L’acceptatio­n, surtout.

Pourtant, l’homme de 28 ans n’a jamais vraiment eu de mal à assumer son homosexual­ité.

Il fait son coming out à 17 ans. Sa première confidente : sa mère. Qui deviendra aussi sa principale fan.

« Il n’y a eu aucun problème. Par contre, c’était l’inverse avec l’aînée de mes trois soeurs, mais surtout avec mon père. J’ai une relation tumultueus­e avec lui… »

Il attend ses 27 ans avant de confier à son géniteur son orientatio­n sexuelle et sa passion pour le déguisemen­t. « Papa a mal réagi. Il voulait que je sois footballeu­r. C’est dur de se sentir jugé. » Notamment par sa propre famille. Adriana Crawford a souvent été injuriée, critiquée, incomprise. Maxime Bianco aussi. Alors qu’il est encore au collège, un groupe d’inconnus l’encercle.

« Ils m’ont insulté, frappé et racketté. Surtout un, en particulie­r. Comme je ne suis pas du genre à me laisser faire, je l’ai regardé droit dans les yeux et lui ai dit : “Ne t’inquiète pas, un jour on se reverra.” Un mois plus tard, c’est ce qu’il s’est passé. Il était seul, je me suis vengé. »

Aujourd’hui, sa pugnacité et son mètre quatre-vingt-treize semblent désamorcer la violence.

Pas la jalousie.

« Le transformi­sme, c’est un petit milieu très fermé. La concurrenc­e est rude, en particulie­r aujourd’hui. De plus en plus de garçons se maquillent ; c’est presque devenu une mode. Résultat, les contrats pour se produire dans des restaurant­s, boîtes de nuit ou cabarets rémunèrent moins. Et on cherche à dénigrer l’autre pour gagner le plus d’argent possible. »

Lui, a choisi de ne pas élargir son domaine de compétence­s. Il refuse d’interpréte­r des personnage­s, toujours fidèle à lui-même.

Même si, par amour, il a pu mettre Adriana Crawford sous le boisseau pendant quelques années. « À l’époque, j’avais un copain. Il refusait totalement que je me maquille. J’ai accepté d’arrêter pour lui. Dès que nous nous sommes séparés, j’ai ressuscité Adriana. »

Il y a deux ans, il retombe amoureux d’un garçon un peu plus tolérant. «Il a quand même du mal avec ça. Il a déjà assisté à mes shows, s’intéresse à ce que je fais et me pose des questions. Pour autant, il refuse que je me maquille pour lui. Il veut un homme… »

Mais Maxime Bianco se préfère au féminin. « Pas jusqu’à changer de sexe, hein ! Je suis très bien dans mon corps », jure-t-il, la main posée sur le coeur avec élégance.

Il a déjà tenté de combiner ses deux personnali­tés en se laissant pousser les cheveux. Mais, impossible, « c’est trop d’entretien ».

‘‘ Il veut un homme... ”

Le maquillage pour camoufler les faiblesses

Être femme seulement la nuit, ça lui convient très bien. Parce qu’il en a aussi besoin. « Mais depuis un an, avec la Covid, c’est compliqué. J’ai dû me maquiller trois fois. Lorsque je me transforme, c’est comme si j’enfilais une protection. Les gens ne savent pas qui je suis au fond. Ça me permet de revêtir un masque et camoufler mes faiblesses. » Il est déjà arrivé qu’on ne le reconnaiss­e pas lorsqu’il revient au naturel. Ça l’arrange : «Au moins, comme ça, je suis libre de choisir de passer incognito ou pas. » Michel Sardou rêvait d’être une femme. Maxime Bianco l’a fait.

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(Photos Philippe Arnassan et DR) Transformi­ste par passion, Maxime Bianco travaille par ailleurs dans le médico-social.
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