Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
INVESTIGATRICE HORS PAIR
Présentatrice d’Envoyé spécial mais également de Cash investigation, elle incarne parfaitement l’esprit d’enquête et la rigueur de France 2 en matière de quête de l’information.
Tête de gondole d’Envoyé spécial mais aussi de Cash
investigation, Élise Lucet est aux manettes de deux équipes d’enquêteurs et de journalistes hors pair. Autrement dit, quand vous vous trouvez nez à nez avec son équipe, c’est le signe qu’il faut être solide sur vos appuis. Oui, elle a un côté impressionnant, Élise Lucet. De quoi faire dire à notre épouse : « Je serai intimidée à l’idée de l’appeler ». Alors comme on est un peu vicelard, on a balancé la fragilité de notre chère et tendre d’entrée au bout du fil avec elle pour briser la glace. Élise Lucet a ri. Forcément. En fin de conversation, elle a même glissé un délicieux « vous pourrez saluer votre épouse et lui dire que ça ne fait pas mal » dans un grand rire. Et c’est vrai. Car quand la taulière d’Envoyé spécial et Cash investigation parle, on écoute et on savoure. Ce soir, Envoyé spécial sera consacré à «Maviede conseiller Pôle emploi » pendant que le prochain numéro de Cash
investigation, diffusé jeudi prochain, sera, lui, en ligne ce soir sur France TV et s’intéressera aux stratégies pour nous faire boire. D’ailleurs, l’équipe de Cash
investigation répondra aux questions posées sur la plateforme pendant l’émission du jeudi 1er avril.
Vous avez une longue carrière, quelle place occupe Envoyé
spécial au sein de votre parcours professionnel ?
Elle est forcément importante et j’ai consciente de l’héritage que cela représente. Plus jeune, je rêvais devant ma télévision lors des débuts de l’émission il y a plus de trente ans. Je suis très honorée de présenter cette marque créée par Paul Nahon et Bernard Benyamin qui, par la suite, ont passé le relais à Françoise Joly et Guilaine Chenu. J’ai la chance de travailler au sein d’une grande équipe, c’est une oeuvre collective.
Avez-vous une pression supplémentaire en étant sur le service public ?
France Télévision a un devoir de rigueur et on doit garder ce contrat de confiance avec le téléspectateur. Avec cette période de crise, il était important de rétablir la confiance avec nos téléspectateurs. On a conscience du sens des responsabilités et du monde qui nous entoure.
Existe-t-il des domaines sur lesquels il est difficile d’enquêter ?
L’ADN de France Télévision demeure la confiance. C’est impossible de nous empêcher d’enquêter car la présidence de la chaîne ne nous interdit rien. Il peut exister, ailleurs, des restrictions ou des obstacles qui viennent souvent d’enjeux économiques plus que politiques. Nous, on a la chance de travailler en toute liberté.
Vous avez la réputation d’être une interlocutrice tenace, est-ce que cela vous ferme des portes quand vous enquêtez ?
Ça a toujours été difficile de faire des enquêtes et encore plus depuis quinze ans car on a vu apparaître des attachés de presse, des directeurs de la communication, des cellules de crises qui pratiquent, de plus en plus, la politique de la chaise vide. Il faut jouer des coudes pour avoir des interlocuteurs. À nous de les convaincre de prendre la parole pour avoir un débat contradictoire.
L’idée n’est pas de faire des reportages à charge mais il faut confronter toutes les paroles aux faits. Quand on ne souhaite pas nous parler, on se rend sur des rassemblements publics pour interpeller nos interlocuteurs et, souvent, on nous rappelle une semaine plus tard, loin des caméras, pour finalement s’exprimer.
Sentez-vous une méfiance à votre égard quand vous allez rencontrer quelqu’un ?
Peut-être. Une crainte aussi, un peu. Mais si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez rien à craindre. (Rires) Cash Investigation, c’est souvent une année entière d’enquête. On n’est pas dans la rapidité d’un journal télévisé, une case que je connais bien, il y a une forme de sérénité.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
J’en vois trois principales : c’est un investissement énorme en ce qui concerne l’investigation donc il y a un travail de vérification colossal, il faut tout passer à la moulinette sinon vous risquez de trahir le lien de confiance avec le téléspectateur.
On se doit aussi de rendre nos enquêtes accessibles à tous, de les vulgariser via un travail pédagogique. Enfin, il faut réussir à convaincre tous nos interlocuteurs de nous parler.
Certaines thématiques sontelles difficiles à traiter en profondeur ? On pense aux violences policières, par exemple.
C’est un sujet délicat, oui, mais ce n’est pas le seul. L’évasion fiscale est difficile à traiter, certains laboratoires scientifiques ont une réelle opacité et, jusqu’à très récemment, il était délicat de réaliser une enquête approfondie sur les Ephad.
Le monde politique, bizarrement, n’est pas si difficile à traiter, bien moins qu’une entreprise majeure qui refuse de vous ouvrir les portes. Mais la difficulté fait partie du métier, si c’est facile, c’est moins intéressant à faire.
Vous sentez-vous plus responsabilisée en raison de la crise sanitaire ?
Les gens avaient perdu confiance dans le journalisme, il faut faire ce métier en toute transparence, expliquer comment on travaille, comment on fait notre métier.
Tout en restant modeste.
C’est important d’échanger aussi, c’est pourquoi, dorénavant, on met le programme de Cash
investigation en ligne une semaine avant sa diffusion à la télé, pour que les gens aient le temps de le regarder et de nous poser des questions auxquelles on répond le jour de la diffusion. Cette crise a eu le mérite de mettre tout le monde au même niveau. Il faut être curieux de tout et de tout le monde.
Certains journalistes ont peutêtre été trop longtemps dans une forme de bulle, dans une forme de connivence, car il est vital d’entendre les critiques sur notre profession. Il faut être habité par cette volonté, cette envie de partager l’information tout en restant à hauteur d’homme.
« Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez pas à craindre ma venue » (Rires) « On se doit de rendre nos enquêtes accessibles à tous, de les vulgariser »