Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

INVESTIGAT­RICE HORS PAIR

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Présentatr­ice d’Envoyé spécial mais également de Cash investigat­ion, elle incarne parfaiteme­nt l’esprit d’enquête et la rigueur de France 2 en matière de quête de l’informatio­n.

Tête de gondole d’Envoyé spécial mais aussi de Cash

investigat­ion, Élise Lucet est aux manettes de deux équipes d’enquêteurs et de journalist­es hors pair. Autrement dit, quand vous vous trouvez nez à nez avec son équipe, c’est le signe qu’il faut être solide sur vos appuis. Oui, elle a un côté impression­nant, Élise Lucet. De quoi faire dire à notre épouse : « Je serai intimidée à l’idée de l’appeler ». Alors comme on est un peu vicelard, on a balancé la fragilité de notre chère et tendre d’entrée au bout du fil avec elle pour briser la glace. Élise Lucet a ri. Forcément. En fin de conversati­on, elle a même glissé un délicieux « vous pourrez saluer votre épouse et lui dire que ça ne fait pas mal » dans un grand rire. Et c’est vrai. Car quand la taulière d’Envoyé spécial et Cash investigat­ion parle, on écoute et on savoure. Ce soir, Envoyé spécial sera consacré à «Maviede conseiller Pôle emploi » pendant que le prochain numéro de Cash

investigat­ion, diffusé jeudi prochain, sera, lui, en ligne ce soir sur France TV et s’intéresser­a aux stratégies pour nous faire boire. D’ailleurs, l’équipe de Cash

investigat­ion répondra aux questions posées sur la plateforme pendant l’émission du jeudi 1er avril.

Vous avez une longue carrière, quelle place occupe Envoyé

spécial au sein de votre parcours profession­nel ?

Elle est forcément importante et j’ai consciente de l’héritage que cela représente. Plus jeune, je rêvais devant ma télévision lors des débuts de l’émission il y a plus de trente ans. Je suis très honorée de présenter cette marque créée par Paul Nahon et Bernard Benyamin qui, par la suite, ont passé le relais à Françoise Joly et Guilaine Chenu. J’ai la chance de travailler au sein d’une grande équipe, c’est une oeuvre collective.

Avez-vous une pression supplément­aire en étant sur le service public ?

France Télévision a un devoir de rigueur et on doit garder ce contrat de confiance avec le téléspecta­teur. Avec cette période de crise, il était important de rétablir la confiance avec nos téléspecta­teurs. On a conscience du sens des responsabi­lités et du monde qui nous entoure.

Existe-t-il des domaines sur lesquels il est difficile d’enquêter ?

L’ADN de France Télévision demeure la confiance. C’est impossible de nous empêcher d’enquêter car la présidence de la chaîne ne nous interdit rien. Il peut exister, ailleurs, des restrictio­ns ou des obstacles qui viennent souvent d’enjeux économique­s plus que politiques. Nous, on a la chance de travailler en toute liberté.

Vous avez la réputation d’être une interlocut­rice tenace, est-ce que cela vous ferme des portes quand vous enquêtez ?

Ça a toujours été difficile de faire des enquêtes et encore plus depuis quinze ans car on a vu apparaître des attachés de presse, des directeurs de la communicat­ion, des cellules de crises qui pratiquent, de plus en plus, la politique de la chaise vide. Il faut jouer des coudes pour avoir des interlocut­eurs. À nous de les convaincre de prendre la parole pour avoir un débat contradict­oire.

L’idée n’est pas de faire des reportages à charge mais il faut confronter toutes les paroles aux faits. Quand on ne souhaite pas nous parler, on se rend sur des rassemblem­ents publics pour interpelle­r nos interlocut­eurs et, souvent, on nous rappelle une semaine plus tard, loin des caméras, pour finalement s’exprimer.

Sentez-vous une méfiance à votre égard quand vous allez rencontrer quelqu’un ?

Peut-être. Une crainte aussi, un peu. Mais si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez rien à craindre. (Rires) Cash Investigat­ion, c’est souvent une année entière d’enquête. On n’est pas dans la rapidité d’un journal télévisé, une case que je connais bien, il y a une forme de sérénité.

Quelles sont les principale­s difficulté­s que vous rencontrez ?

J’en vois trois principale­s : c’est un investisse­ment énorme en ce qui concerne l’investigat­ion donc il y a un travail de vérificati­on colossal, il faut tout passer à la moulinette sinon vous risquez de trahir le lien de confiance avec le téléspecta­teur.

On se doit aussi de rendre nos enquêtes accessible­s à tous, de les vulgariser via un travail pédagogiqu­e. Enfin, il faut réussir à convaincre tous nos interlocut­eurs de nous parler.

Certaines thématique­s sontelles difficiles à traiter en profondeur ? On pense aux violences policières, par exemple.

C’est un sujet délicat, oui, mais ce n’est pas le seul. L’évasion fiscale est difficile à traiter, certains laboratoir­es scientifiq­ues ont une réelle opacité et, jusqu’à très récemment, il était délicat de réaliser une enquête approfondi­e sur les Ephad.

Le monde politique, bizarremen­t, n’est pas si difficile à traiter, bien moins qu’une entreprise majeure qui refuse de vous ouvrir les portes. Mais la difficulté fait partie du métier, si c’est facile, c’est moins intéressan­t à faire.

Vous sentez-vous plus responsabi­lisée en raison de la crise sanitaire ?

Les gens avaient perdu confiance dans le journalism­e, il faut faire ce métier en toute transparen­ce, expliquer comment on travaille, comment on fait notre métier.

Tout en restant modeste.

C’est important d’échanger aussi, c’est pourquoi, dorénavant, on met le programme de Cash

investigat­ion en ligne une semaine avant sa diffusion à la télé, pour que les gens aient le temps de le regarder et de nous poser des questions auxquelles on répond le jour de la diffusion. Cette crise a eu le mérite de mettre tout le monde au même niveau. Il faut être curieux de tout et de tout le monde.

Certains journalist­es ont peutêtre été trop longtemps dans une forme de bulle, dans une forme de connivence, car il est vital d’entendre les critiques sur notre profession. Il faut être habité par cette volonté, cette envie de partager l’informatio­n tout en restant à hauteur d’homme.

« Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez pas à craindre ma venue » (Rires) « On se doit de rendre nos enquêtes accessible­s à tous, de les vulgariser »

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(Photo Delphine Ghosarossi­an/FTV) La première enquêtrice de France.

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