Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Têtes de Turcs
La Turquie traverse une mauvaise passe. Son économie souffre. La livre, la monnaie nationale a perdu un tiers de sa valeur ces dernières années. Le chômage frise les %.
Des difficultés qui plombent la popularité du chef de l’État, donné largement perdant, dans les sondages pour la présidentielle . Le congrès du parti au pouvoir, l’AKP, qui s’est ouvert hier, s’annonce tendu. Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis ans, se rêve toujours en nouveau Calife. Mais il doit composer avec le réel qui lui échappe.
A son tour de manier la politique du « En même temps ». En même temps, « il s’est réengagé dans la relation » avec la France notamment, « depuis le début de l’année », selon Emmanuel Macron. En même temps, il continue de donner des gages au Qatar et aux islamistes de son pays. Sainte-Sophie est redevenue mosquée. L’église orthodoxe de SaintSauveur-in-Chora, célèbre pour ses fresques bouleversantes, a subi le même sort. Dernier acte symbolique : sortir le pays de la convention internationale contre les violences faites aux femmes, dite… d’Istanbul. Un travail de sape de l’Histoire, qui se double d’une présence envahissante à l’extérieur. Le Président français s’inquiète d’ingérences dans notre prochaine campagne électorale. A ses yeux, ce n’est pas seulement possible. « C’est évident ».
Et pourtant, la France, comme l’Europe, a tout intérêt à ce qu’Ankara redevienne un allié sincère et véritable. Pour des raisons stratégiques. La Turquie est membre de l’Otan et assure le lien géographique avec l’Asie, le continent de demain. Pour en finir avec la répression des Kurdes et obtenir la reconnaissance du génocide du peuple arménien. Ensuite, parce que cette nation de millions d’âmes, est un débouché économique non négligeable. Et que ce pays si cher à Pierre Loti cache sous ce vieux vernis d’intolérance des trésors de culture et d’histoire. Qu’à côté d’un discours du repli, existent les livres d’Orhan Pamuk et les films gorgés d’humanité de Nuri Bilge Ceylan. À ce titre, la Turquie ne nous sera jamais totalement étrangère. Enfin parce que ce peuple, que l’on sent fatigué de la dérive nationaliste, a besoin de solidarité pour tourner bientôt la page Erdogan. Sans angélisme, restons attentifs à tous les signes positifs qui pourraient nous être envoyés, si ce n’est par le pouvoir, du moins par tous ceux qui en subissent la politique.
« Et pourtant, la France, comme l’Europe, a tout intérêt à ce qu’Ankara redevienne un allié sincère et véritable. »