Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Têtes de Turcs

- L’ÉDITO de PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

La Turquie traverse une mauvaise passe. Son économie souffre. La livre, la monnaie nationale a perdu un tiers de sa valeur ces dernières années. Le chômage frise les  %.

Des difficulté­s qui plombent la popularité du chef de l’État, donné largement perdant, dans les sondages pour la présidenti­elle . Le congrès du parti au pouvoir, l’AKP, qui s’est ouvert hier, s’annonce tendu. Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis  ans, se rêve toujours en nouveau Calife. Mais il doit composer avec le réel qui lui échappe.

A son tour de manier la politique du « En même temps ». En même temps, « il s’est réengagé dans la relation » avec la France notamment, « depuis le début de l’année », selon Emmanuel Macron. En même temps, il continue de donner des gages au Qatar et aux islamistes de son pays. Sainte-Sophie est redevenue mosquée. L’église orthodoxe de SaintSauve­ur-in-Chora, célèbre pour ses fresques bouleversa­ntes, a subi le même sort. Dernier acte symbolique : sortir le pays de la convention internatio­nale contre les violences faites aux femmes, dite… d’Istanbul. Un travail de sape de l’Histoire, qui se double d’une présence envahissan­te à l’extérieur. Le Président français s’inquiète d’ingérences dans notre prochaine campagne électorale. A ses yeux, ce n’est pas seulement possible. « C’est évident ».

Et pourtant, la France, comme l’Europe, a tout intérêt à ce qu’Ankara redevienne un allié sincère et véritable. Pour des raisons stratégiqu­es. La Turquie est membre de l’Otan et assure le lien géographiq­ue avec l’Asie, le continent de demain. Pour en finir avec la répression des Kurdes et obtenir la reconnaiss­ance du génocide du peuple arménien. Ensuite, parce que cette nation de  millions d’âmes, est un débouché économique non négligeabl­e. Et que ce pays si cher à Pierre Loti cache sous ce vieux vernis d’intoléranc­e des trésors de culture et d’histoire. Qu’à côté d’un discours du repli, existent les livres d’Orhan Pamuk et les films gorgés d’humanité de Nuri Bilge Ceylan. À ce titre, la Turquie ne nous sera jamais totalement étrangère. Enfin parce que ce peuple, que l’on sent fatigué de la dérive nationalis­te, a besoin de solidarité pour tourner bientôt la page Erdogan. Sans angélisme, restons attentifs à tous les signes positifs qui pourraient nous être envoyés, si ce n’est par le pouvoir, du moins par tous ceux qui en subissent la politique.

« Et pourtant, la France, comme l’Europe, a tout intérêt à ce qu’Ankara redevienne un allié sincère et véritable. »

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