Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Raymond Manna : croisade d’un Chevalier... électrique

Sans lui Trust n’aurait peut-être jamais existé... Bassiste originel du groupe, tombé sous la grâce du Divin, il conquiert désormais des terres pour l’église varoise au sein des Chevaliers de Colomb

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

J «e tutoie le Bon Dieu, alors on va se tutoyer ! ». Le coeur sur la main et la langue pas dans sa poche, Raymond Manna est du style direct. Mais pacifique. Toute la différence avec ses exacolytes de Trust, qui, lors d’une dernière rencontre varoise, « mettaient en croix » leur interlocut­eur à cause d’un article qui ne les brossait pas dans le sens du poil... Raymond Mana, bassiste originel du groupe aux côtés de Bernie et Nono à la fin des 70’s, lui, est là pour donner l’absolution. Rangé du music business depuis les années 90, l’ex gamin d’Argenteuil reçoit au sein de la paroisse SaintJean de La Valette, ville où il s’est établi pour cultiver sa foi. Une révélation qui remonte à début 90. Le jour d’un départ en tournée pour accompagne­r… Indochine. « Je suis Porte de Saint-Cloud. Il est sept du mat’. Je tourne au café-pétard en jouant au flipper. Là j’ai l’impression qu’on me tape sur l’épaule. Trois fois. Je me retourne. Personne… Je me dis que le pétard est sacrément bon ! Je sors. En face une église en béton toute moche. Mais je suis attiré par la musique. Je pousse la porte avec ma tignasse, mon cuir, tigre dans le dos et mon futal léopard. J’entre dans la messe. Je n’en suis plus jamais sorti », assène-t-il.

« Ma période con »

Alors certes, Raymond n’est pas le premier « rebelle » à être tombé sous la grâce du Divin. Même Bob Dylan, dont il partage la toison bouclée-argentée, s’est rangé parmi ses brebis. Sauf que le parcours vaut le détour. La première révélation, elle, sera « électrique ». En mars 1967.

« J’avais 15 ans et traînais avec des jeunes plus âgés. Un soir nous avons atterri au Cadran, une brasserie de Colombes qui programmai­t des pointures en devenir. Et c’est comme ça que j’ai passé une nuit avec Hendrix.

Là, j’ai voulu être lui ! », sourit le 4e rejeton de M. Seigneur (un signe ?), légionnair­e reconverti dans la sécurité et de Mme Manna, libanaise. « Elle m’a élevé comme un prince. Durant longtemps je lui en ai voulu à lui, là-haut de me l’avoir repris enfant. C’est ma période con, mais on a toujours eu un dialogue », glisse Ray sans s’apitoyer.

Éjecté du bahut à 17 ans, il fait sa première virée sur la Côte d’Azur. Commence l’histoire petits boulots, gratouilla­ge de guitare. Viennent l’Olympia son repaire, la formation de Trust (lire plus bas), puis le succès grisant. Le petit Ray tient sa revanche sur l’injustice du monde. Et de Dieu. En apparence seulement...

« En réalité la musique en France ça me gonflait. La scène encore pire ! C’est pas moi. J’ai préféré laisser la basse - je suis un feignant - et faire office de manager. Et puis un jour un ponte offre à Trust la possibilit­é de partir aux USA avec un chèque en blanc ! Ils refusent. Je me barre et j’ai fini par quitter ce milieu show-biz. C’est rare. Mais ma vie, en bien ou en mal, je l’ai toujours décidé. Ma démarche c’est la foi. Pas d’être dans la lumière ».

Église : redorer son blason

Monde de la nuit, associatio­n dédiée aux sans-abri, amitié avec Christophe Castaner qui le mariera, Ray déroule la pelote avec une gouaille teintée d’humour qui épice des heures de confession­s intimes. Jusqu’au départ en 2008 dans le golfe de Saint-Tropez pour mener à bien un gros projet industriel dans le Sud… « Pourquoi je ne suis pas venu avant ? C’est un pays de Cocagne ici ! Le paysage, les gens… Je veux créer un réseau de centres de spectacle hexagonal. Pas des Zénith, qui sont des coquilles vides et fonctionne 30 jours par an, mais des salles clés en main pour en finir avec l’itinérance de trimballer tout le matos », s’emballe-t-il.

Des visées entreprene­uriales au long cours qui ne l’empêchent pas d’assurer une mission d’aumônier des prisons à La Farlède. C’est la double face du personnage qui s’illustrait sur Police-Milice en 1979. Là où ses camarades rockers se sont desséchés sous les projecteur­s à force de come-backs rapiécés, lui, rayonne. Raymond est persuadé qu’il a un rôle à jouer pour que l’église, « trop rejetée », retrouve sa vraie place dans la société. Rechercher « une complément­arité entre le clergé et les laïques ». Ainsi s’incarne son investisse­ment au sein des Chevaliers de Colomb avec son « frère » toulonnais, Dominique Michel.

Fan de Christine Boutin

« Nous sommes opposés en tout mais nous nous retrouvons sur cette organisati­on d’entraide catholique fondée en 1882 en Amérique, que nous développon­s nationalem­ent au départ du Var », expose cet agent immobilier qui agit ici avec la bénédictio­n de Mgr Rey. Mais hors de ses engagement­s politiques FN (passés) au côté de Le Chevallier ou (présents) avec Via (ex PCD). Manna, lui, s’avoue fan de… Christine Boutin. « Oui c’est une catho ! Au moins elle affirme sa foi. J’ai aussi plein d’amis à gauche. Castaner était PS. Ce qui compte c’est l’honnêteté. Je viens de la Ddass, je sens les gens. C’est instinctif ! », réplique-t-il lorsqu’on émet des réserves sur l’accointanc­e.

Une fois encore, pas question de feindre pour « plaire ». « Enfant, Dieu m’a dit va nager en me mettant des boulets aux pieds. Mais je vais lui parler et il sera gentil avec moi. La mort, c’est une amie. Je sais pas s’il y a des guitares là-haut, mais déjà il y a mes parents ». Le bout du labyrinthe ?

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(Photo V. L. P.) Fils du Seigneur, en sa paroisse de La Valette.
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(Photo L.A.) Le dos de la pochette du er album de Trust avec Raymond, à gauche.

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