Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Philippe Obriot à Châteaudouble : du jaune girolle au rosé des prés
Comme un triangle des Bermudes fictif qui briserait la géométrie de la placette du village « nid d’aigle ». L’ex-restaurant de La Tour, dans l’alignement, à 15 mètres, le Cercle républicain et deux diagonales pointées sur l’époustouflant belvédère toisant, altier, la majesté minérale, végétale et liquide des gorges de Châteaudouble. Voilà dressé le décor du centre névralgique, ineffable lieu de cultes païens, où l’on peut s’enorgueillir d’avoir certains soirs englouti plus de vins et spiritueux que le débit de la Nartuby s’écoulant au fin fond de son écrin.
Épicure de rappel...
Et si l’on a pas vécu les journées mémorables, enfilant comme des perles apéros et ripailles jusqu’au bout de la nuit, on se délectera quand même à la lecture de « Nouvelles liquides » (resservez-nous), signé Philippe Obriot, premier de cordée pour avoir présidé le cercle durant 8 ans et rempli les assiettes à la bonne franquette pendant 27 saisons.
Un capitaine à la voix douce mais à la voile dure. On ne rigole plus face à l’autorité ! Et je lui rends hommage pour avoir, il y a trop longtemps, embarqué en... mousse, pour finir sous-officiant. Car beaucoup portent encore les stigmates de ces croisières au long cours, débutant par temps doux, se poursuivant en mode cap Horn force dix (degrés ?) pour se solder à la corne de brume dans un brouillard épais, avec les « chaussures à bascule ». La marine en montagne c’est un sacerdoce ! Séquencé comme un collier de perles dessinant autant de tableaux mémorables, les héros du bouquin appartiennent au quotidien - amateurs s’abstenir- et cultivent jalousement, entre tirette à bière et quilles des trois couleurs, une identité revendiquée, une amitié évidente et une fidélité indéfectible au culte de Bacchus et de la bêtise.
La vie, c’est ça, cher Épicure, non ? Ici, le temple n’est jamais vide et les prieurs se signent doigt levé pour envoyer la prochaine tournée.
Cette tribue iconoclaste ne connaît pas les barrières de la bienséance, depuis les municipaux (Douze degrés cinq surpervisé par le chef Boitout) en passant par le maire, la comtesse à la cave de rêve, le philosophe et même le curé polonais qui ne cède pas à son atavisme et quitte ses rares ouailles à l’autel pour le bar à coups bas .... Où on pêche au gros ! Bref, tout cela est délicieux. Et force est de constater qu’Obriot, le mycologue averti et invétéré, lève aussi bien la plume que le coude.
« J’ai toujours écrit et j’anime un petit journal ironique à Châteaudouble. Le territoire est fertile et mes copains m’ont encouragé à faire un bouquin. Tout y est inspiré du réel mais il faut bien broder, apporter un peu de poésie et d’exagération ! En fait, j’ai tout mis dans une bouteille, j’ai secoué et j’ai versé le contenu dans les verres ! » Le bougre a contacté quatre ou cinq éditeurs et aurait eu une réponse positive de « Le lys bleu » éditions, en quinze jours à peine. OK!
Et comme le renard est roublard, il ne peut s’empêcher de me cuire genre « jambon » à l’os ou touriste en Marcel débarqué dans l’arène : « Bien sûr, ça va dépendre des premières commandes, mais si elles sont à la hauteur, on envisage de diffuser le bouquin en Belgique, au
Canada, en Suisse et... en Russie. » Na zdrowie !
Tu te prends ma tête, paye la tienne ! Fait chauffer ineffable Philippe ! (1) « Nouvelles liquides » par Philippe Obriot, 12,40 euros, aux éditions Le lys bleu (lysbleueditions.com.). Disponible sur les plates-formes habituelles en attendant sa vente en librairie.