Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Je ne pense pas retourner vivre un jour en Syrie »

En mars 2011, la guerre civile éclatait dans le pays, poussant des millions d’habitants à fuir le pays. George Akfaly est de ceux-là. Rencontre avec cet enfant d’Alep réfugié à Toulon depuis fin 2016

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Tout commence par une tasse de café. À la turque. Comme au pays – la Syrie – ravagée, détruite par dix ans d’un conflit d’une violence inouïe.

Cela fait plus de quatre ans maintenant que George Akfaly a quitté sa terre natale. Et il n’est pas dit qu’il retourne y vivre un jour. «Les amis, les quartiers d’Alep, la ville où je suis né et ai toujours vécu, leurs habitants, tout me manque. Mais si je devais répondre aujourd’hui, je pense que je ne retournera­is pas vivre là-bas. J’aurais peur de me sentir étranger chez moi. Et cette pensée me fait mal, me déchire le coeur », confie George Akfaly.

Repousser l’inéluctabl­e

Âgé de 45 ans, cet « enfant » d’Alep est installé à Toulon depuis décembre 2016. Il y a rejoint, avec trois mois de décalage, sa mère Fernande, ses deux soeurs Maria et Yara, et son neveu. Pourquoi avoir choisi la France ? George ne sait pas vraiment. Sans conviction, il avance « les liens historique­s liant les deux pays » . Et puis «la présence, depuis trente ans, d’un oncle à Paris ».

En revanche, Toulon s’est imposée plus naturellem­ent. « C’est grâce à Thaddée et son épouse Adeline (1), pour qui j’ai longtemps travaillé en Syrie. On est toujours resté en contact et ils se sont portés garants auprès du consulat de France en Turquie pour l’obtention des papiers pour moi et ma famille », raconte

George, reconnaiss­ant.

Les Akfaly ont longtemps attendu avant de quitter Alep. Si la maman, les deux soeurs et le neveu se sont installés à Alexandret­te, en Turquie, début 2015, George a encore patienté plus d’un an avant de se résoudre finalement à quitter son pays. Jusqu’au bout, il a voulu croire qu’il pourrait rester. Autant dire que la guerre, il connaît. « Avant la guerre, j’avais un cabinet de service informatiq­ue. Ça marchait bien. Quand la guerre a atteint Alep en juillet 2012 – les pires combats se sont déroulés dans ma ville –, tout s’est effondré très vite. Les bombardeme­nts au mortier, les bombonnes de gaz jetées des hélicoptèr­es, j’ai connus. De même que l’absence de services essentiels tels que l’électricit­é ou l’eau. Pendant six à sept mois, pas une goutte ne sortait des robinets ! »

Traducteur pour les primo-arrivants

Les économies de dix ans de labeur, les petits contrats çà et là ont retardé l’inéluctabl­e. Jusqu’au jour où les combattant­s islamistes se sont un peu trop approchés de l’appartemen­t familial. « Une nuit, j’ai clairement entendu des “Allah Akbar” venant de la ligne de front. Je ne dis pas que c’étaient des combattant­s de Daesh, d’al-Qaïda ou d’alNosra, mais ça a été le déclic pour le départ », lâche George. On comprend alors qu’il est de confession chrétienne. Peut-être plus par tradition familiale. Au mur de l’appartemen­t toulonnais, une croix et une image de la Vierge le confirment. Cela a d’ailleurs sans doute contribué à l’obtention du statut de réfugié politique dont bénéficie toute la famille Akfaly.

Encore jeune, plutôt débrouilla­rd, George n’a pas tardé à travailler. « Rester sans rien faire, c’est la mort ».

Maîtrisant plutôt bien le français, une langue qu’il ne parlait absolument pas à son arrivée à Toulon, il est désormais traducteur pour les primo-arrivants arabophone­s qui suivent le Contrat d’intégratio­n républicai­ne. L’informatiq­ue ? Il verra plus tard. « C’est un secteur où tout va très vite. Or ça fait six ans que je n’y ai plus travaillé. Il faudrait que je suive une formation pour me remettre à niveau, mais ça nécessiter­ait que j’arrête mon travail actuel. Je garde ça dans un coin de ma tête. »

Comme les souvenirs heureux de son pays… 1. Les fondateurs de l’entreprise varoise Tadé, installée à Signes, qui importe notamment du savon d’Alep.

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(Photo Luc Boutria) George Akfaly et sa mère Fernande dans leur appartemen­t toulonnais.

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