Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Revoilà Edouard Philippe

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Il n’est pas d’aventure présidenti­elle qui ne commence par l’écriture d’un livre un ou deux ans avant l’échéance. Il en fut ainsi pour Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et, bien entendu, pour Emmanuel Macron avec la parution de Révolution en novembre . L’ancien Premier ministre, Edouard Philippe a déjà à son actif plusieurs ouvrages mais celui qu’il cosigne avec son ami le député européen Gilles Boyer (parution le  avril prochain) est en soi un événement politique. D’abord, parce que le maire du Havre est installé depuis son départ de Matignon au sommet des sondages. Ensuite, parce que le titre de ce livre est, en soi, tout un programme : Impression­s et lignes claires. Enfin, parce que la campagne de promotion dans laquelle il se lance, même perturbée par la pandémie, ressemble à une mise sur orbite.

Bien entendu, dans la macronie, on s’interroge. Certains s’emploient même à déconsidér­er l’ancien chef de gouverneme­nt dans une valse de petites phrases assassines qui donnent, en fait, la mesure de leur inquiétude. Tempête dans un verre d’eau ou début d’un bras de fer ? Il ne faut pas compter sur Edouard Philippe pour dévoiler d’ores et déjà son jeu. Mais il le met bel et bien en ordre. Son mode d’emploi rappelle en tout point celui qu’utilisa Emmanuel Macron en  pour décourager François Hollande de se représente­r. Pour y parvenir, l’ancien Premier ministre a des atouts. Il sait tout du chef de l’État, de ses forces et de ses faiblesses, de ses qualités et de ses défauts, de ses calculs et de ses raisonneme­nts. Certes, le Président en sait sans doute aussi beaucoup sur Edouard Philippe mais il ne dispose pas des mêmes marges de manoeuvre. Si le maire du Havre est redevenu un homme libre, Emmanuel Macron est entravé par sa fonction. En particulie­r, par sa lutte contre le coronaviru­s. Or Edouard Philippe a franchi cette épreuve l’année dernière avec succès, gagnant alors la confiance des Français. Emmanuel Macron, en revanche, peine aujourd’hui à convaincre de la justesse d’une stratégie qui vient de le conduire à resserrer la vis. Dans le bilan du quinquenna­t, Edouard Philippe peut donc s’attribuer le meilleur et laisser le plus contestabl­e au chef de l’État. Il apparaît enfin comme une victime. N’a-t-il pas été chassé de Matignon pour avoir fait de l’ombre à l’Élysée ! Toutes ces armes ne sont pas une garantie pour qu’il parvienne à ses fins mais il s’engage sur le chemin élyséen pour devenir une alternativ­e crédible. Plus crédible qu’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. C’est sur cette question que la partie va se jouer entre les deux hommes. S’il apparaît qu’Emmanuel Macron est un rempart plus fragile qu’Edouard Philippe face à l’extrême droite, il risque fort à l’automne d’être soumis au dilemme hollandais de la fin de  : y aller ou ne pas y aller ?

« Son mode d’emploi rappelle en tout point celui qu’utilisa Emmanuel Macron en 2016 pour décourager François Hollande de se représente­r. »

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