Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le gel a encore frappé, l’agricultur­e touchée

L’hiver n’a pas dit son dernier mot. Des températur­es extrêmemen­t basses (jusqu’à -10°C) ont été enregistré­es, ce jeudi, du Verdon jusqu’au littoral, détruisant bourgeons et fruits précoces.

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Les prévisions météorolog­iques l’annonçaien­t mais le coup de gel a frappé fort ce jeudi dans le Var. Aucun territoire n’a été épargné, du Verdon jusqu’aux plaines littorales. Le mercure a frôlé les - 10 degrés dans les secteurs les plus froids, comme - 9,8 degrés à Ginasservi­s et - 9,1 à Trigance, mais aussi - 4 à - 7 ailleurs, parfois - 8 en Provence Verte et même - 2 - 3 près de la Côte, selon le site Météo-Varoise, qui relève « des records pour avril ».

Les vignerons n’avaient pas besoin de ça

Alors que la végétation est en pleine renaissanc­e, ces gelées ne pouvaient tomber plus mal. Toute la nuit, les viticulteu­rs ont tenté d’empêcher la catastroph­e en réalisant des brûlages (lire page suivante). Côté vignes, Eric Paul président du syndicat des vignerons du Var (1), résume : « Comme partout en France, la surface touchée est inédite dans le Var, au moins aussi importante que celle des 25 et 26 mars 2020. Seule une minuscule frange côtière n’a pas gelé. La récolte sera amputée. Dans quelle mesure ? Il est trop tôt pour le dire. La vigne va s’arrêter de pousser, puis redémarrer. Les vrais dégâts seront visibles dans une semaine. Et entre mi-mai et mi-juin on pourra estimer la situation. Sur de jeunes vignes, il peut remonter du raisin ».

Évidemment, le moral des troupes en a pris un coup. « Les vignerons n’avaient pas besoin de ça, entre le gel de 2020, les restaurant­s fermés à cause de la Covid, ajoute Eric Paul. Il va falloir qu’on nous aide, certains ne passeront pas le cap. Pour l’instant, avec la chambre d’agricultur­e on va recenser tout ça et accompagne­r au mieux » (lire page suivante).

Jeudi matin, les agriculteu­rs ont fait le tour de leurs parcelles pour évaluer l’étendue des dégâts. « Comme l’année dernière, les petits pois ont gelé dans les gousses. Peut-être que celles qui n’étaient pas encore bien grainées vont s’en sortir, indique Marine Renard, maraîchère à Hyères, qui avait déjà subi 30 à 40 % de pertes lors de l’épisode de gel de mars 2020. On avait protégé les plants de concombres mais ils n’étaient pas assez forts et n’ont pas tenu le coup. J’attends de voir mes pommes de terre, d’autant plus qu’elles étaient toutes dehors ». Petite consolatio­n pour la jeune femme, «les salades, oignons, courgettes ont survécu et les fraises, sous petit tunnel, n’ont pas souffert ».

Des dégâts dans les vergers

À Roquebrune-sur-Argens, Philippe Auda a, lui, perdu dix jours de récolte d’asperges vertes, sur un terrain proche du fleuve. « On était en pleine production. On a ramassé hier (mercredi, N.D.L.R.) tout ce qu’on a pu. Ce matin (jeudi, N.D.L.R.), celles qu’on a cueillies sont toutes molles. Toutes les têtes qui étaient sorties de terre sont fichues ».

Les vergers semblent avoir encore plus souffert, notamment les variétés de fruits à coques. À Roquebrune-sur-Argens toujours, Sébastien Perrin, ne peut que constater les ravages sur ses pêchers et pruniers. Les fruits étaient déjà formés sur les premiers. « C’est descendu entre -1,5 °C et -2,5 °C, ça s’est joué à un degré. On a perdu la totalité de la récolte », se désole-t-il. Et s’il reste quelques fleurs éparpillée­s sur les seconds, «on aura des reines-claudes pour manger mais pas pour vendre. Les clients ne vont pas être contents. Si tout avait été en floraison, on n’aurait pas tout perdu. À une semaine près on s’en sortait ». Bis repetita pour lui, déjà frappé par le gel l’an dernier, il avait perdu 35 % de son chiffre d’affaires. Dans son malheur, il espère s’en sortir avec ses autres cultures : « J’ai la chance d’avoir une exploitati­on très diversifié­e, cela représente beaucoup de travail et de matériel. En fonction de la récolte d’olives et de raisin, on verra, et on essaiera de compenser avec le maraîchage cet automne ».

La nature maîtresse de la situation

À Solliès-Toucas, ce sont les abricots de Benjamin Trucco qui sont mort-nés : « Les fruits étaient gros presque comme des olives, dit-il.

On n’aura pas de récolte ». Pour l’instant « les cerisiers sont en fleurs, on saura un peu plus tard ce qu’ils donneront. Les figuiers ne sont pas touchés ».

Du côté des oléiculteu­rs, la situation semble moins préoccupan­te car les olives se développen­t plus tardivemen­t. Chez Gilles et Brigitte Stalenq à Seillans : «Onaeu très peur cette nuit, mais a priori, pour l’instant, ça va. On n’a pas encore de fleurs, seulement les bourgeons sur les arbres ». À Aups, les oliviers de Gilles Gervasoni

« n’en sont qu’au stade des petites bourres. Et il a moins gelé que l’année dernière, seulement -1°C ».

Dans le Sud, à La Londe, Olivier Roux indique : « les hampes florales étaient en formation chez moi, j’ai l’impression qu’on est passé au travers ».

Réaliste, un profession­nel conclut :

« De toute façon, c’est la nature qui décide dans notre métier » .Et comme celle-ci fait bien les choses, des reprises sont possibles, notamment sur la vigne. Touchée par cet épisode de gel, l’agricultur­e varoise n’est pas coulée. 1. 410 adhérents, 5 500 hectares d’IGP.

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(Photos Philippe Arnassan) À Roquebrune-sur-Argens, les pêchers de Sébastien Perrin portaient déjà des fruits. Ils ont tous gelé.
 ??  ?? Dans la main gauche de Philippe Auda, des asperges, vert clair et fermes, cueillies mercredi et dans la droite, celles ramassées hier, qui sont foncées et toutes molles à cause du gel.
Dans la main gauche de Philippe Auda, des asperges, vert clair et fermes, cueillies mercredi et dans la droite, celles ramassées hier, qui sont foncées et toutes molles à cause du gel.

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