Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

J.-F. Clervoy : « L’Europe n’a l’exploratio­n spatiale

- PROPOS RECUEILLIS PAR P.-L. P.

Fondateur de l’opérateur Air Zero G spécialisé dans les vols en apesanteur à bord d’un avion Airbus A310, Jean-François Clervoy compte plus de 430 orbites autour de la Terre à son actif, toutes réalisées à bord des navettes Atlantis et Discovery.

En ce mois d’avril riche en événements spatiaux, le spationaut­e français de l’agence spatiale européenne nous a accordé une interview vendredi matin. Juste après le décollage de la fusée Soyouz qui amène trois astronaute­s à bord de l’ISS, la station internatio­nale. Vingt-deux ans après sa dernière orbite, il revient sur la conquête spatiale.

En cette année , il y a embouteill­age dans l’espace. Comment vivez-vous ces moments ? C’est une année qui annonce une décennie hallucinan­te. Notamment pour la station spatiale internatio­nale (ISS). Imaginez un peu : à la fin du mois, lorsque le spationaut­e français Thomas Pesquet la rejoindra à bord du Crew Dragon de SpaceX, six vaisseaux (dont des Soyouz et des cargos Progress) seront arrimés à l’ISS. À cela, on peut ajouter les vols chinois qui vont, en respect de leur feuille de route, commencer l’assemblage de leur station spatiale en orbite autour de la Terre. Et puis, et c’est nouveau,  sera aussi l’année d’Inspiratio­n , le premier vol touristiqu­e orbital  % privé.

C’est vraiment une année d’une très grande activité.

Mais comment expliquer ce renouveau de la conquête spatiale ?

Après la compétitio­n américanos­oviétique des années , après le développem­ent des vols de longue durée à bord de la station Mir d’un côté, et des vols intenses grâce aux navettes de l’autre, après l’exploitati­on commune de l’ISS dans les années , on entre dans la

e aire de la conquête spatiale. Certes on va continuer d’exploiter la station internatio­nale, mais de nouveaux acteurs arrivent. Les Chinois qui, tenus à l’écart de l’ISS, vont mettre en orbite leur propre station, mais envisagent également de construire une base lunaire. Et puisqu’on parle de la Lune, les Américains ont pour projet de lancer prochainem­ent la Gateway, une station en orbite autour de notre satellite.

Vous n’avez pas parlé de Mars. Non, parce qu’on en est encore aux vols automatiqu­es. Pour les vols habités, qui n’incluront pas cependant le poser sur la planète rouge, il faudra attendre -.

Peut-on encore parler d’exploratio­n ou d’exploitati­on spatiale ? L’esprit est-il toujours celui des pionniers de l‘espace ?

Si vous faites référence au space mining, à savoir le fait d’aller chercher des minerais dans l’espace et les ramener sur la Terre, sa rentabilit­é économique n’est pas évidente. En revanche, ces ressources pourraient trouver un débouché dans le ravitaille­ment des missions d’exploratio­n du système solaire. Aujourd’hui, le spatial se divise donc entre le business des satellites d’applicatio­n (observatio­n, positionne­ment GPS, télécommun­ication) et l’exploratio­n avec l’envoi de sondes, de télescopes… Quant aux vols habités, s’ils restent pour l’heure une activité institutio­nnelle, l’arrivée d’acteurs privés tels que Axiom Space ou Virgin Galactic, va changer la donne.

Comment se situe l’Europe dans cette exploratio­n de l’espace ? L’Europe, et notamment la France, dont les industriel­s Airbus Defence and Space et Thales Alenia Space sont des maîtres d’oeuvre de tout premier ordre dans la fabricatio­n de satellites, n’ont pas à rougir face aux États-Unis. Malgré un budget consacré à l’espace bien inférieur, l’Europe et la France ont réalisé de grandes premières. La mission Rosetta qui en  a permis de poser une sonde sur le noyau de la comète Tchouri était entièremen­t européenne. L’atterrissa­ge en  de la sonde Huygens à la surface de Titan, l’un des satellites de Saturne, était également une réussite européenne de top niveau. Plus récemment, c’est une caméra

 % française qui équipe le rover Perseveran­ce qui explore actuelleme­nt la planète Mars.

Un mot sur Youri Gagarine, dont on célébrera demain le

e anniversai­re du premier vol habité dans l’espace.

La date du  avril  est forte pour tous les cosmonaute­s et astronaute­s. Elle est emblématiq­ue. Il y a un avant et un après  avril . Comme il y a eu un avant et un après Galilée. Avant cette date, tous les humains étaient sur Terre. Après, ils ont démontré leurs facultés à gagner l’espace et à y travailler. Et puis les premiers mots de Youri Gagarine, un homme simple à la tête bien faite, depuis le vaisseau Vostok – « Je me sens bien. C’est magnifique ! » (Jean-François Clervoy les prononce en russe) – ont donné l’espoir et l’envie d’y aller. À ce titre, il y a un peu de Youri Gagarine dans chacun d’entre nous.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France