Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Une vie de kiné à sa main

Saint-Raphaël Les mains de Jean-Georges Cellier lui ont fait découvrir la cité pour jouer au hand. Ces mêmes doigts ont fait mondialeme­nt connaître cette ville aux sportifs blessés en rééducatio­n.

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Des mains en or pour une carrière triomphant­e. Pas celle du handballeu­r qu’il était, évoluant très honorablem­ent en troisième division nationale, mais du kinésithér­apeute à la renommée mondiale qu’il est devenu. Jean-Georges Cellier a découvert Saint-Raphaël avec une balle pégueuse entre les doigts, trente-cinq ans plus tard, c’est en grande partie au football que le kinésithér­apeute doit sa carrière, jalonnée de trophées et d’émotions, bonnes après les succès ou mauvaises après les blessures. Qu’elles proviennen­t des stars ou de cette grand-mère imaginaire, à qui le spécialist­e fait souvent référence, pour justifier son sincère sens du service. « Son tendon est le même que celui d’un sportif. Ce qui me plaît, c’est soigner. Quand je reçois un champion, ce n’est pas un champion que j’ai devant moi, c’est un homme meurtri car blessé. Chaque suivi est une aventure humaine ». De son ami, Steve Mandanda, guéri des quadriceps en un temps record avant la Coupe du Monde 2018, à la rééducatio­n d’un enfant menée jusqu’à ses premiers pas, les mêmes compétence­s médicales ont guidé les patients vers leurs objectifs. « Le petit appréhenda­it tellement que j’avais mis un ballon devant lui pour qu’il avance quand j’avais jugé que c’était le bon moment pour se tester. On ne parle pas de médaille ou de coupe là, c’est bien plus fort. Surtout, quand cette personne m’a renvoyé dernièreme­nt, la vidéo de ce premier pas, vingt ans plus tard », glisse-t-il, à nouveau ému.

À 63 ans, la pile de maillots – qui ferait pâlir plus d’un collection­neur – offerts en reconnaiss­ance par les joueurs passés entre ses mains s’apparente à des marque-pages d’une vie dédiée au sport. Ariégeois d’origine et Parisien de naissance, le praticien assume être un Raphaëlois d’adoption depuis les années 80. Avant cela, l’adolescent, pensionnai­re d’un sport-étude athlétisme, qui hésite entre professeur d’EPS et kinésithér­apeute à la sortie du Baccalauré­at, opte pour le concours qui le reçoit. « À partir du moment où j’entrais dans les études, je ne pouvais pas échouer. Ma maman était seule, depuis petit j’avais cette responsabi­lité de réussir », résume ce dévoreur de livres, autant par soif de connaissan­ces que par crainte de décevoir. Son équilibre se résume en deux mots : études et sport. « Ma famille n’est pas sportive, moi, j’ai ça dans la peau. Je ne suis pas allé une fois au cinéma après le Bac. Je travaillai­s tout le temps. » Encore aujourd’hui c’est sur les courts de tennis que le joueur classé entretient sa passion, parfois avec le tennisman connu à ses débuts, Richard Gasquet. Même les déplacemen­ts en TGV de l’époque, à travers la France avec l’ES Montgeron (Essonne) sont occupés par des lectures scientifiq­ues. Avant la pratique. D’abord dans un centre de rééducatio­n francilien réputé et à la hauteur de ses résultats aux examens nationaux, puis à l’hôpital de Fréjus.

En recrutant un ailier droit, l’Associatio­n sportive SaintRapha­ël (ASSR) ancre dans le Sud celui qui fera par la suite le bonheur des bancs de touche. Pas comme remplaçant mais titulaire dans les staffs médicaux. Après un service militaire en tant que kiné, le président de l’ASSR, Maurice Odin, convainc le récent diplômé de renforcer son équipe promue. « J’avais fini mes études, la jeunesse et l’envie de découvrir me poussent à accepter. Quelle belle idée ! Peu de personnes changent votre vie et il l’a fait. C’est d’ailleurs, ce que j’ai pris le temps de dire à sa veuve, lors de son enterremen­t », note l’ex-coéquipier d’un certain Jean-François Krakowski.

Côté boulot, le nouvel arrivant écluse tous les crédits formation de la structure. Les muscles et le dos deviennent sa spécialité. Son ambition est de tout connaître sur le bout des doigts. Plus simple pour manipuler ensuite. Conférence­s, livres, cours spécialisé­s, notamment en orthopédie et ostéopathi­e animent le passionné. Il finira même dans un bloc opératoire pour comprendre les interventi­ons avant la rééducatio­n. Jusqu’à rejoindre ce qui deviendra le Centre européen de rééducatio­n du sport (Cers). C’est ici que Japhet N’Doram, gloire de l’AS Monaco, lui offre une passe décisive pour écrire les premières lignes de sa notoriété auprès des agents et des chirurgien­s. Par le bouche-àoreille et comme un effet boule de neige, sa table de massage devient celle sur laquelle il faut s’allonger pour revenir vite et bien après une blessure tout en prévenant la récidive des lésions.

Par proximité, le club de la Principaut­é jouit de ses services. Le suivi de Shabani Nonda, lors de l’épopée européenne de 2004, incite le club, managé par Didier Deschamps, à lui proposer un contrat. Son caractère, à la fois à l’écoute et têtu, lui permet de s’intégrer à merveille dans un staff de club ou de l’équipe de France d’athlétisme tout en se faisant respecter. Lorsque Djibril Cissé se fracture le tibia péroné à Liverpool c’est à Saint-Raphaël qu’il se soigne. « J’étais à Monaco le jour et je bossais avec lui la nuit. J’ai fini épuisé, je l’ai fait par amitié. » Quand l’autre jambe casse en 2006, l’attaquant appelle son ange gardien immédiatem­ent. La relation fait le reste. « J’ai quitté le club pour m’occuper que de lui jusqu’à son retour dans le groupe à Marseille. » C’est ainsi qu’il arrive à l’OM en 2007 pour dix ans. Il contribuer­a depuis son coin de vestiaire aux titres, dont celui de champion de France en 2010 : un trophée... en argent.

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Le tendon du sportif est le même que celui de votre grand-mère’’

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Textes : Alexandre PLUMEY – aplumey@nicematin.fr Photos : Clément TIBERGHIEN – ctiberghie­n@nicematin.fr

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