Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Jeu de cartes

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

La défausse est un art politique de tout temps dont Emmanuel Macron connaît parfaiteme­nt l'usage. Le fameux Grand Débat qui suivit la révolte des Gilets jaunes relevait de cet exercice qui consiste à déplacer un problème pour en faire partager les difficulté­s à d'autres. Ce fut un succès car la manoeuvre permit de faire croire à la mise en oeuvre d'une authentiqu­e démocratie participat­ive. Le chef de l'État refit le coup avec la Convention citoyenne pour le climat. Les  personnes sélectionn­ées se prirent au jeu mais leurs propositio­ns ne sont retenues que pour partie dans la loi climat aujourd'hui en débat au Parlement. Effet boomerang garanti. Quant au Collectif citoyen sur la vaccinatio­n lancé en janvier, il a sombré dans l'indifféren­ce.

Il faut croire que le pouvoir n'est pas découragé par ces ratés comme en témoigne la consultati­on éclair qu'il a déclenchée vendredi dernier auprès des   maires de France sur la tenue des élections régionales et départemen­tales les  et  juin prochain. Elle aura duré à peine  heures ! Elle s'est achevée dès hier à midi. Organisée juste avant le débat sur ce sujet à l'Assemblée nationale aujourd’hui et au Sénat dès demain, cette enquête express a provoqué une levée de boucliers dans les trois associatio­ns représenta­tives des élus locaux (maires de France, départemen­ts de France, régions de France). Toutes avaient déjà été consultées et clament donc que le gouverneme­nt remet en cause leur représenta­tivité et leur fiabilité. Le court-circuit soulève d'autant plus leur suspicion que le pouvoir agit dans la précipitat­ion. Ne pouvait-il pas lancer cette consultati­on bien avant ? La formulatio­n de la question adressée aux maires est, elle aussi, surprenant­e : « Les conditions préconisée­s par le Conseil scientifiq­ue vous semblent-elles réunies pour tenir les deux prochains scrutins prévus en juin prochain ? » Quel maire peut, aujourd'hui, décrire la situation sanitaire dans deux mois ? Aucun ! À moins de croire les yeux fermés qu'Emmanuel Macron a raison lorsqu'il annonce qu'il desserrera l'étau du confinemen­t dans bien des secteurs à partir de la mi-mai. Si le chef de l'État dit vrai, il n'y a aucune raison de ne pas organiser ces scrutins en juin. D'autres pays européens, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, ne viennent-ils pas de le faire ! En vérité, le pouvoir redoute cette double échéance. Il y court le risque d'un cinglant revers qu'il voudrait s'épargner à un an de la présidenti­elle. Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale, l'a d'ailleurs reconnu en plaidant pour un report sous le prétexte que la crise sanitaire favorise les sortants. Depuis quand choisit-on la date des élections en fonction de ses intérêts électoraux ? La démocratie n'est pas un jeu de cartes dont on change les règles à sa guise au dernier moment.

« Depuis quand choisit-on la date des élections en fonction de ses intérêts électoraux ? »

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