Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Procès d’une embrouille aussi sanglante qu’obscure

Le tribunal de Toulon a tenté de démêler le contexte d’une attaque sur un sans-papiers – tirs et coups de couteau. Et condamne sans lever tous les voiles

- SO. B.

Une blessure par balle, cinq plaies à l’arme blanche, le corps roué de coups. À terre, saignant beaucoup. L’attaque violente d’un sans-papiers, le 28 mai 2019 en centre-ville de Toulon, a été disséquée devant le tribunal judiciaire. Sans réussir à livrer toutes les réponses, pour un embrouilla­mini resté aussi sanglant qu’obscur. Un seul prévenu a comparu, encadré d’une escorte pénitentia­ire, vendredi 9 avril. Malgré ses dénégation­s, Anis Younes a été condamné à quatre ans de prison ferme, avec maintien en détention.

Âgé d’une petite vingtaine d’années, il est reconnu coupable des trois tirs par arme à feu sur la victime. L’absence de l’homme blessé n’a pas facilité l’avancée des débats. Lourdement touché, son incapacité fonctionne­lle a été évaluée à 90 jours au moins. Depuis, celui qui était en situation irrégulièr­e a quitté le territoire et « n’est pas revenu en France ».

Le dossier évolue dans le milieu de sans-papiers, entre Marseille et Toulon.

Ils semblent se connaître et avoir des contentieu­x entre eux. La nature de ces griefs est restée imprécise, malgré les questions renouvelée­s de la présidente à l’audience.

« Ce tapissage est un scandale »

La juge navigue entre mensonges et omissions. Un témoin fait semblant de ne pas connaître la victime, qui est son propre frère. « Nous ne sommes même pas certains de votre identité, c’est pratique ! Et personne n’explique rien », s’agace la juge à l’adresse du prévenu.

Anis Younes a lui-même été blessé à la joue, par arme blanche. La longue cicatrice de huit centimètre­s a contribué à son identifica­tion. L’expédition sanglante était-elle une vengeance ? Ou en lien avec une excompagne ? « Moi, je suis innocent, je suis en prison, je veux juste sortir. » La défense se concentre sur ce qui a permis l’identifica­tion de l’auteur présumé. Les témoignage­s discordant­s. « Le vêtement porté par l’auteur des tirs ne correspond pas. Un autre suspect sur une autre photo pouvait correspond­re », dépiaute Me Christophe Hernandez. Plusieurs traits de l’enquête policière sont critiqués. « Le lien avec l’actuelle compagne du frère n’a pas été vérifié. » « Qui est le témoin clé rencontré en centre de rétention ? Son nom n’est pas donné. »

Quant au tapissage, présenté à une femme qui a donné l’alerte, « c’est un scandale », s’étrangle l’avocat. Selon lui, parmi tous les hommes mis côte à côte, un seul pouvait correspond­re à son type et à sa tranche d’âge. S’appuyant sur « une reconnaiss­ance sur photo et par signe distinctif » ,le procureur avait requis six ans de détention, pour « des faits gravissime­s de violence aux personnes » . Le tribunal a un peu diminué le quantum de la peine prononcée.

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(Photo E. M.) Commise par quatre personnes, l’agression sauvage avait eu lieu sur le cours Lafayette à Toulon.

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