Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le berger de Caussols accusé de nouveaux crimes
Michel Lambin, 70 ans, jugé depuis hier en appel pour l’assassinat d’un gardien d’école en 2002 à Antibes, est désormais soupçonné d’avoir tué deux évadés qu’il hébergeait à Caussols.
La vie de Michel Lambin, surnommé le berger de Caussols, est décidément jalonnée de cadavres. À 70 ans, il comparaît cette semaine en appel devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône pour l’assassinat de Robert Ludi, 33 ans, un paisible gardien d’école d’Antibes, abattu de deux balles dans la tête le 6 décembre 2002.
Le seul tort de la victime aurait été d’avoir soutenu Séverine L., ex-compagne du braqueur cannois Émile Fornasari, 59 ans, coupable, lui, d’avoir commandité le crime. Les deux hommes et amis ont été condamnés à Nice à la réclusion criminelle à perpétuité mais s’estiment innocents, d’où ce nouveau procès à Aix-enProvence cette semaine. Hasard du calendrier judiciaire, Michel Lambin et Émile Fornasari viennent d’apprendre qu’ils devront retourner devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes pour deux autres meurtres : celui de Farid Errajdi, 22 ans et celui de Jean-Félix Leca, 36 ans, braqueurs en cavale, recueillis en mai 2001 par Michel Lambin dans la ferme du Bayou, sur le plateau de Caussols et qui ne sont jamais réapparus.
La chambre de l’instruction a entendu les arguments de
Me Padovani et estime que les charges sont suffisantes pour accuser Lambin, Fornasari et un certain Abdellamid Karmous (en fuite en Tunisie) de s’être débarrassés d’Errajdi et Leca.
Tué, découpé et donné à manger aux cochons
Pour tenter de comprendre les règlements de compte qui émaillaient la vie tumultueuse de cette association de malfaiteurs, il faut se plonger vingt ans en arrière. La ferme isolée de Michel Lambin sert tout à la fois de base arrière et de refuge à des malfaiteurs de la région. En mai 2001, Fornasari, Karmous et Leca viennent de s’évader de la prison de Draguignan et sont logés dans des caravanes installées sur les quatorze hectares de la ferme du haut pays grassois.
Errajdi, recherché pour des vols à main armée, est également l’hôte de Michel Lambin. Le berger a pris sous son aile cette jeune brebis égarée qu’il aurait sacrifiée d’une balle dans la nuque avant de le découper et de le donner à manger à ses cochons.
Farid Errajdi avait deux torts : avoir détourné un bracelet de valeur au détriment de ses complices et posséder un butin conséquent en dollars après l’attaque à domicile d’une une personne âgée. Selon les enquêteurs, Michel Lambin est venu peu temps avant l’assassinat d’Errajdi, s’approprier le butin en menaçant la compagne du jeune braqueur.
Dépouille brûlée pendant plusieurs jours
Jean-Félix Leca, lui, aurait assisté à la mort d’Errajdi et serait devenu un témoin gênant. Il aurait été abattu quelques jours plus tard alors qu’il dormait dans la caravane. Sa dépouille a ensuite été brûlée pendant plusieurs jours. Les pompiers d’Andon confirment qu’ils avaient été alertés par la fumée mais qu’ils n’étaient pas intervenus, Michel Lambin leur expliquant que le feu était sous contrôle.
Ni Jean-Félix Leca ni Farid Errajdi n’ont donné signe de vie à leurs familles depuis vingt ans. Leur disparition aurait pu rester inexpliquée s’il n’y avait eu les révélations de Nicole Rossi, l’ex-compagne de Michel Lambin. Les déclarations circonstanciées de cette femme ont permis à la brigade criminelle de la police judiciaire de Nice de lancer des investigations.
Des témoignages confirment en partie les déclarations de Nicole Rossi. Des fouilles à l’endroit du brasier ont permis de récupérer des fragments d’os humains. Trop calcinés pour permettre l’extraction d’ADN, ils attestent néanmoins de la présence d’un cadavre à cet endroit. Une expertise de la caravane où séjournait Jean-Félix Leca a mis au jour des impacts de balles de 11.43 bouchés avec du mastic.
Une dizaine d’assassinats ?
Le dernier juge d’instruction de Grasse qui avait hérité de ce dossier avait néanmoins estimé les preuves trop minces pour renvoyer Lambin, Karmous et Fornasari aux assises. La chambre de l’instruction pense le contraire malgré l’ancienneté des faits et l’absence de corps.
Figure du grand banditisme, Michel Lambin, qui a commencé sa carrière de malfaiteur en Seine-SaintDenis, est longtemps passé à travers les mailles de la justice jusqu’au jour où Nicole Rossi a parlé. Les policiers lui imputent aujourd’hui une dizaine d’assassinats. Pour l’instant, seul le meurtre l’Antibois Jean-Yves Guerrée, un braqueur abattu en 2004 à Caussols, vaut à Lambin une condamnation définitive à dix-huit ans de réclusion criminelle.