Un parcours jonché de cadavres

Exploitant agricole le jour, homme de main du milieu la nuit… Michel Lambin est un personnage hors norme qui, malgré une santé défaillante - il souffre d’une sciatique paralysante - continue d’inspirer la peur. Il faut dire que plusieurs hommes qui ont croisé sa route l’ont payé de leur vie.

Aîné d’une famille de huit enfants, il grandit à Bondy en Seine-Saint Denis. Son père est chaudronnier, sa mère serveuse. À quatorze ans, l’élève dissipé entre en apprentissage de boucherie puis travaille comme serrurier. À l’armée, on loue ses qualités physiques audessus de la moyenne tout en soulignant « sa violence, son intolérance à la frustration, sa fausseté de jugement ». Il finit par être réformé. Entré dans la vie active, il est licencié pour avoir frappé un collègue. En 1977, il est condamné pour un vol à main armée. À sa sortie de prison, en 1981, il se marie avec

Christiane et aura trois filles qui ne tarissent pas d’éloges sur leur père, décrit comme « doux, aimant, affectueux ».

Lambin a un physique avenant. Il mène une vie dissolue et ses infidélités répétées finiront par avoir raison de son mariage. Lors de ses escapades extraconjugales, il rencontre à Mougins Nicole Rossi, femme qui partagera plus de vingt ans de sa vie. Le couple, après s’être installé quelques mois aux États-Unis, achète une ferme délabrée sur le plateau de Caussols qu’il retape pour y élever des chèvres.

Il aurait fait bouillir la tête de sa victime

En 2009, peut-être rassurée par l’incarcération de Michel Lambin, Nicole Rossi s’épanche et fait des révélations stupéfiantes à un commandant de police de Nice. Le parcours criminel du berger de

Caussols aurait débuté en janvier 1983 au Cannet. Nicole Rossi accuse son compagnon d’avoir tué Michel Tasseli, abattu au Cannet de deux balles dans la tête parce qu’il l’avait traité de « zonard »… En juillet 1983, il tue, toujours selon sa maîtresse de l’époque, Kamel Guendouz, qualifié de « balance ». Nicole Rossi et deux autres proches du couple confirment que Michel Lambin aurait fait bouillir la tête de sa victime pour la rendre méconnaissable. En 1983, Christian Lepage et JeanJacques Villey sont assassinés par balles. Ils avaient une dette de poker envers le suspect. Le 23 décembre 1983 à Antibes, Walter Barbey est assassiné. Un meurtre imputable à Lambin toujours selon Nicole Rossi.

L’année suivante, Christian Salmon est tué à Villiers-sur-Marne. Il désigne Lambin comme le tireur avant de succomber mais l’accusé, défendu par Me Jacques Vergès, obtient un acquittement. Son sort judiciaire sera différent pour deux autres crimes pour lesquels il a comparu à Nice.

La cour d’assises le condamne en 2004 pour le meurtre de l’Antibois Jean-Yves Guerrée. Sorti de prison en 2003 après dix années derrière les barreaux, ce dernier avait rendez-vous chez Lambin pour préparer une évasion par hélicoptère. Son corps a été retrouvé par la PJ dans la propriété de Michel Lambin, dissimulé dans un trou, amputé des pieds. Défendu par Me Éric Dupond-Moretti, « le berger de Caussols » était condamné à Nice à vingt ans de réclusion criminelle, peine réduite à dix-huit ans en appel. C’est le seul meurtre qu’il a admis avoir commis.

Condamné à perpétuité

Celui de Robert Ludi, gardien d’école tué lui aussi de deux balles dans la tête, lui a valu une condamnation à perpétuité avec vingtdeux ans de sûreté. Il a toujours démenti avoir exécuté ce contrat commandité par Émile Fornasari, un membre cannois du grand banditisme.

Le procès en appel se déroule actuellement à Aix-en-Provence. L’accusé, très diminué, comparaît dans un siège médicalisé, flanqué d’un aide-soignant. Les débats ne peuvent excéder cinq heures par jour et devraient durer deux semaines. Me Bernard Ginez et Me Isabelle Gortina, ses avocats, espèrent un acquittement. Le renvoi aux assises de Michel Lambin pour les meurtres de Leca et Errajdi arrive à point nommé et devrait éviter toute libération conditionnelle. Ce qui ne manquera pas de rassurer Nicole Rossi, terrorisée à l’idée que son ex-compagnon puisse un jour recouvrer la liberté.