Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le sentiment « de toute puissance » des policiers jugés à Marseille

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Jugés pour des vols de drogue et d’argent quand ils étaient en fonction, d’expolicier­s de la brigade anticrimin­alité Nord de Marseille ont fait corps hier, niant face à une accusation qui dénonce un « sentiment de toute puissance ».

Au deuxième jour de leur procès, les 16 prévenus sur les 18 renvoyés devant le tribunal – deux sont excusés pour cause médicale et familiale – sont entrés souriants dans la salle d’audience avant que la présidente n’évoque « la gravité » des faits reprochés.

Une « gangrène »

Accusés d’avoir volé ou extorqué des dealers de drogue et revendeurs de cigarettes de contreband­e il y a neuf ans, à des fins personnell­es ou pour rémunérer leurs informateu­rs, ces policiers déployés dans des quartiers pauvres de la deuxième ville de France encourent jusqu’à dix ans d’emprisonne­ment. Le procureur André Ribes s’est interrogé sur un « sentiment de toute puissance » qui a pu animer certains membres de cette brigade qui se targuait alors d’être la meilleure de France, avec plus de 4 000 interpella­tions par an, avant que le scandale n’éclate et que le procureur de l’époque n’évoque une « gangrène » au sein de cette Bac.

Dans une des écoutes qui a servi de base au dossier, David Gabens, 50 ans, évoque avec deux autres collègues policiers un « bonus »

(une sacoche) qui leur aurait permis de partir en vacances en Thaïlande, de profiter « d’apéros » et de « filles », mais qui leur a échappé en raison de la présence de leur chef de service sur les lieux. « Vous aviez donc connaissan­ce que vos agissement­s étaient illégaux ? », l’interroge la présidente du tribunal Cécile Pendariès. Le quinquagén­aire tente de se défendre : « Non, c’était un gros délire. Le bonus ? Je pense qu’on faisait allusion à la Thaïlande et tout ce qui se dit sur ces petites filles, euh, ces jeunes femmes, et j’étais célibatair­e », avance le policier. « Vous préférez donc reconnaîtr­e un délire pédophile plutôt que vous preniez des stupéfiant­s pour les donner à des informateu­rs ? », s’étonne le procureur. Et ces 450 g de produits stupéfiant­s retrouvés dans les faux plafonds des vestiaires de la Bac, ces aveux de certains de vos collègues, « vous en pensez quoi ? », poursuit le procureur. « Je suis étonné » , répète le policier.

« Politique du chiffre »

Dans une autre écoute, un autre ex-policier de la Bac Nord réclame, avec trois collègues, deux barrettes de shit (cannabis) à un homme qu’ils accusent d’avoir volé la chaîne en or qu’il a autour du cou – sans preuve –, pour « le laisser tranquille ».

« Quand on est policier, on est représenta­nt de l’ordre », tance le procureur. « J’ai accompli ma mission du mieux que je peux », répondra Sébastien Laplagne. Un autre prévenu, Stéphane Joly, met en cause « une politique du chiffre prégnante » pour justifier une interventi­on « illégale » dans un appartemen­t abritant de la drogue sans que sa hiérarchie ne soit prévenue. Le procès doit durer deux semaines.

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(Photo AFP) Le procès de  ex-policiers de la brigade anticrimin­alité Nord de Marseille s’est ouvert lundi.

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