Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« J’ai pris beaucoup sur moi »

Mi-septembre, Loïc Bruni a remporté le classement général de la Coupe du monde pour la deuxième fois. Un sacre à l’arraché sur lequel l’Azuréen est revenu, récemment à Monaco.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE­R ROUX

En aparté du rendez-vous monégasque, Loïc Bruni a pris une demi-heure pour se poser et revenir sur la Coupe du monde 2021 qu’il a enlevée pour la deuxième fois. Deux ans après sa première couronne, ce titre a été conquis au bout du suspense et de haute lutte. Très mal embarqué, gêné par des blessures, la Covid et une perte de confiance, le descendeur de 27 ans s’est sublimé dans une fin de saison canon. Tout s’est joué sur le gong aux Etats-Unis, où il a damé le pion à ses deux grands copains : Loris Vergier et Thibaut Dapréla. Il les a doublés pour s’imposer sur un podium 100 % azuréen. Du jamais vu.

Mi-septembre, vous avez remporté la Coupe du monde sur le fil…

La saison a mis du temps à décoller. Je n’étais pas dans le meilleur état d’esprit début juillet après les Gets (la deuxième des six manches, NDLR). Je n’avais pas réalisé ce que j’aurais aimé devant le public français (e) et je n’avais plus de vue sur le général avant l’ultime run. J’étais loin (e à

 points de Thibaut Dapréla). Dans les deux derniers mois de compétitio­n, j’ai chopé la Covid et j’ai pris plus cher que prévu. J’ai bien mis quatre semaines pour revenir. Quand j’ai repris, j’ai eu du mal à me concentrer et je me suis cassé le talon sur une petite course. J’ai aussi eu une déchirure en début de saison. Bref, je n’étais pas du tout préparé comme je le voulais.

Vous étiez troisième du général avant la dernière manche à Snowshoe (Etats-Unis)…

Je restais assez loin des premières places. Je voulais juste gagner une manche de Coupe du monde. Cela me tenait à coeur. Ce n’était pas une belle saison mais je suis content de ce que j’en ai fait. Si on compare avec les cartes : j’avais un jeu de merde mais j’ai réussi à battre les autres.

Est-ce votre expérience qui a fait la différence ?

Elle m’a bien aidé. Pour mes concurrent­s, il était dur de tenir la pression et ils ont craqué. Je pense que j’étais en position de force puisque je n’avais rien à perdre. Si le titre était au bout, c’était du bonus.

Avez-vous montré à Vergier et Dapréla que « l’ancien » était toujours là ?

Ces deux-là sont plus jeunes que moi mais je suis encore là pour un moment (sourire). Entre nous, il y aura encore de belles batailles dans les prochaines années.

Ils sont passés près du titre. Qu’avez-vous envie de leur dire ? Thibaut est en convalesce­nce donc j’espère qu’il n’aura pas de séquelles et se remettra vite

(il s’est fracturé le pouce et le péroné à Snowshoe). Loris est en confiance. C’est seulement la deuxième année qu’il est proche de remporter la Coupe du monde et n’y arrive pas. Il apprend à la dure mais il apprend. Ce sera l’homme à battre dans les prochaines années. Il est mature et très fort dans la mise au point de son vélo. Il a beaucoup appris de mes erreurs. Quand j’ai encore des lacunes, il a trouvé des réponses plus efficaces à certains problèmes.

Votre bonheur est-il différent par rapport à votre premier sacre ?

En , je gagne en étant chassé par Amaury Pierron. C’était le pire des scénarios. Il était en pleine forme en fin de saison quand je perdais confiance. J’étais dans une position de faiblesse et je n’avais pas le droit à l’erreur. J’avais l’impression de subir, je n’étais pas bien dans ma peau. Je faisais exactement ce que je voulais mais Amaury était tout le temps là. Au top de son potentiel, il était imbattable. Cette année, je n’avais pas d’avance à gérer et je ne pouvais pas contrôler les performanc­es de Thibaut

(Dapréla) et Loris (Vergier) .J’aipu profiter davantage du moment, aimer la ferveur des spectateur­s. En , les gens me parlaient sans cesse du général. Je leur disais d’arrêter parce que je ne voulais pas en entendre parler. Cette année, je me fichais de l’enjeu.

Quel goût à ce titre par rapport au premier ?

J’ai plus apprécié le premier parce que ce fut un travail de longue haleine. J’étais premier du général toute la saison et j’ai tellement défendu ma position. J’ai ressenti plus de pression. Je me disais : ‘‘Tu peux gagner, tu peux gagner’’. Là, ça me tombe dans les mains sur le dernier run. C’est une surprise qui m’a pris de court.

Vous avez beaucoup douté…

J’ai pris beaucoup sur moi.

J’ai douté et ce n’était pas facile. Même quand j’avais l’impression que tout allait bien se passer, ça n’allait pas.

On vous sent sûr de vous et l’on vous pensait invulnérab­le…

Le doute est essentiel. Sans lui, tu ne peux pas apprendre, passer des caps et durer dans le temps. Tu peux gagner un championna­t du monde mais l’année d’après le contexte peut changer. Tu te seras peut-être engueulé avec ta copine, la météo sera différente et si tu n’as pas l’habitude de répondre aux questions ou aux doutes (Photo Jean-François Ottonello) qui peuvent survenir au dernier moment, tu ne pourras pas performer. J’aime douter, c’est devenu ma force. Parfois je subis, ilya beaucoup de doutes et peu de réponses. Dans ce cas, se remettre dans le droit chemin prend du temps. Mais quand tes doutes s’accompagne­nt à chaque fois de réponses, que plus rien n’est laissé au hasard, ta concentrat­ion et ton coup de pédale ne sont plus entravés. Ma force est de répondre à ces doutes.

‘‘

Si on compare avec les cartes : j’avais un jeu de merde mais j’ai réussi à battre les autres”

Vous avez confié ne pas avoir assez écouté votre corps cette saison pour soigner des bobos… Beaucoup de facteurs extérieurs entrent en jeu. Je gagne plus d’argent, mes sponsors m’en demandent plus et parfois il y a des conflits dans les contrats, des sponsors qui font des choix dont je ne veux pas. Avant la saison, il y avait pas mal de choses nouvelles. Je n’arrivais pas à passer au-delà des problèmes du Team (Specialize­d) et à me concentrer sur mes performanc­es. Cela a entraîné des chutes. Tout ça ajouté à la Covid, il y a eu un effet boule de neige. Les doutes s’enchaînent et s’accumulent. Je voulais rouler vite alors que je n’étais pas prêt.

 ?? ?? Le quadruple champion du monde a doublé sur le fil Thibaut Dapréla et Loris Vergier, les deux autres Azuréens en lice pour le titre.
Le quadruple champion du monde a doublé sur le fil Thibaut Dapréla et Loris Vergier, les deux autres Azuréens en lice pour le titre.

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