Var-Matin (Grand Toulon)

Origine contrôlée

À la fin du mois de novembre, deux maraîchère­s ont été expulsées du cours Lendrin. La raison : une partie de leurs légumes était issue de la revente

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Après avoir découvert des légumes issus de la revente sur le marché de producteur­s, la chambre d’agricultur­e a exclu deux maraîchers.

Depuis quelques jours, le marché du cours Lafayette bruisse de mille

bruits. « Des contrôles auraient été réalisés chez les producteur­s de légumes »,« plusieurs auraient été priés de partir… » Récapitula­tif de ce qu’il s’est passé.

Deux maraîchère­s qui ont « dérapé »

Le 19 novembre, on est venu sur le marché des producteur­s de la rue Lendrin pour un contrôle inopiné », explique Bernard Simondi, vice-président de la Chambre d’Agricultur­e du Var et en charge

des circuits courts. « On a pris en photo les stands de tous les producteur­s. Puis on est allé vérifier chez deux d’entre-eux que ce qu’ils vendaient était bien issu de leurs exploitati­ons. Je suis un pro, je vois tout de suite quand quelque chose cloche. Et en effet, ces deux paysannes faisaient une partie d’achat-revente de légumes. Elles ont dérapé. On leur a envoyé un courrier en leur demandant d’arrêter ça tout de suite, ou bien de quitter le mar- ché des producteur­s et de s’installer ailleurs. » Les deux maraîchère­s ont quitté la rue Lendrin.

La défense d’une image de marque

Mais au fond, pourquoi est-ce si grave de faire un peu d’achat-revente ? « On est garant de la marque “marché de producteur­s pays”, poursuit Bernard Simondi. Une des conditions à remplir, c’est de vendre seulement ce que l’on produit. Si un touriste va dans un marché de ce type et se fait flouer, ça peut faire effet boule de neige et tous les marchés producteur­s perdre en crédibilit­é. »

La difficile situation des paysans en toile de fond

Je ne leur jette pas la pierre,

glisse Gilles Fabre, patron de l’Aparté, un restaurant de la rue

Lendrin. J’achetais des légumes à une de ces maraîchère­s deux à trois par semaine. Je voyais bien que tout ne venait pas de chez elle, mais ça restait des bons produits de saison. »« Il y a des règles qu’il faut respecter, mais humainemen­t, pour nous, c’est très dur de signer le fameux courrier ,reconnaît Bernard Simondi. Il y a plusieurs raisons qui poussent certains producteur­s à faire de l’achat-revente : une mauvaise saison, la vieillesse, les crédits… »« Il y a quatre ans, il y avait plus de producteur­s dans la rue Lendrin, soupire Gilles

Fabre. Ils vieillisse­nt, et derrière personne ne reprend les exploitati­ons. »

Clash entre producteur­s

Mais cette éviction des deux maraîchère­s pourrait bien être aussi le résultat d’un affronteme­nt entre producteur­s. « Une des paysannes contrôlée et expulsée critiquait tout le monde,

lance Anne-Marie Maumus, présidente du marché des producteur­s. Elle disait aux clients que nous, les autres producteur­s, on ne cultivait rien chez nous alors que c’était l’inverse. Il y a deux ans, on a lancé une pétition pour la faire partir, puis on s’est plaint à la mairie et à la Chambre d’Agricultur­e. » Mais alors, l’origine de ces contrôles ne seraitelle pas liée, en partie, à ces plaintes ? Selon plusieurs témoignage­s concordant­s, si.

Des reproches réfutés

La maraîchère en question, contrôlée, réfute les accusation­s.

« Les autres étaient jaloux parce qu’on travaillai­t bien, estime

cette productric­e. La Chambre d’agricultur­e a dit que je faisais 80 % de revente, alors que j’en faisais seulement pour les carottes et les pommes de terre, soit autour de 20 %. Et en plus, tous les producteur­s font de la revente, mais nous avons seulement été deux dont les exploitati­ons ont été contrôlées en novembre ! Pourquoi ? Ce n’est pas normal. » Une productric­e d’autant plus amère qu’elle se dit prête à se consacrer à la seule vente de sa production. Or, selon elle, la Chambre d’agricultur­e n’a toujours pas donné suite.

Deux nouveaux producteur­s rue Lendrin

Face à cette ambiance digne du film Gangs of New-York, quelques bonnes nouvelles sont toutefois

à noter. « Deux nouveaux producteur­s se sont installés dans la rue Lendrin, un maraîcher et un qui fait de la viande d’autruche ,se

réjouit Bernard Simondi. Et leur arrivée était prévue de longue date. »« Nous, on s’est associé avec le producteur Aurélien Proneur, pour avoir des légumes bio et locaux », glisse Julien Paul, un des patrons du restaurant Les Têtes d’Ail. Signe que le métier de paysan a encore de l’avenir.

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(Photo d’illustrati­on Luc Boutria) Une dispute entre producteur­s serait à l’origine des expulsions.

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