Var-Matin (Grand Toulon)

Restaurate­urs d’affiches, tradition de père en fils

Maître artisan d’art depuis 2006, Dominique Fouasse perpétue depuis trente ans un art méconnu. Travaillan­t notamment sur le fonds de la cinémathèq­ue française, il a transmis la fibre à son fils

- SYLVAIN MOUHOT 1. http://www.affiches-francaises.com. Contact par e-mail : atelier.fouasse@sfr.fr

Décor champêtre avec vue imprenable sur la rade depuis les hauteurs de Solliès-Ville, radio en fond sonore pour rythmer des gestes mille fois répétés : bienvenue dans l’atelier Fouasse. Père et fils coordonnen­t leur action. Arthur, 23 ans, plonge une affiche à restaurer dans un bain d’eau. « C’est une étape importante qui permettra de raccourcir le travail de mon père. » Dominique, 56 ans, va pouvoir appliquer son savoir-faire, appris au côté de Pierre Lemaire, une référence, « l’un des seuls à l’époque à faire de la restaurati­on d’affiches, sur l’île de la Jatte ». « Je suis établi dans le sud de la France depuis 1986, dit-il. J’ai une bonne cote, donc ma clientèle m’a suivi. C’est ce que je répète à Arthur, la qualité est le seul juge dans ce métier. » Devenu maître artisan d’art, Dominique Fouasse compte des clients en Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, en Suisse ou aux USA. Des particulie­rs qui souhaitent redonner vie à une affiche familiale, mais surtout des profession­nels qui font du commerce d’affiches dans des galeries.

« Marché de niche »

Dominique Fouasse intervient aussi pour le compte du ministère de la Culture sur le fond de la cinémathèq­ue française ; pour la ville de Paris sur les collection­s de la bibliothèq­ue Fornay et du musée Carnavalet ; sur le fonds de la CCI des Bouches-du-Rhône pour des affiches d’entreprise­s industriel­les, des compagnies maritimes, du tourisme en Méditerran­ée. Entre autres références. Il a formé des restaurate­urs établis à Clermont-Ferrand ou au Pays basque. « Nous sommes peu nombreux, la restaurati­on d’affiches reste un marché de niche. » Arthur Fouasse, lui, est passé par le lycée hôtelier de Toulon et titulaire d’une mention complément­aire en traiteur. Il a exercé dans des cuisines à Paris ou en Australie, mais c’est une autre restaurati­on qui l’attire aujourd’hui. « J’ai toujours vu mon père penché sur ses affiches. Cela fait longtemps que je l’aide à faire des châssis ou à détendre le papier, confie-t-il. Je crois qu’il n’attendait que ça que je l’accompagne dans son travail. Je vais peut-être faire une formation d’art chez Drouot. Mon idée, c’est d’ouvrir ma propre galerie et d’y restaurer aussi des affiches. » Le secret de la chaîne de restaurati­on tient en un maître mot : patience. Le scotch, aux effets dévastateu­rs sur la couleur, est délicateme­nt ôté à l’essence. Les

‘‘ La qualité est le seul juge dans ce métier ” Dominique Fouasse

connaisseu­rs savent qu’il vaut mieux travailler à la colle arabique, comme pour les timbres. Pour être rafraîchi, le papier est plongé dans un bain d’eau dans lequel les couleurs ne « bougent » pas. L’affiche est ensuite posée, de dos, sur une plaque. Le résidu d’eau est enlevé à l’aide d’un rouleau en résine. On applique des rustines sur les trous, pris en marge de l’affiche ou dans des rouleaux de papier ancien. L’entoilage consiste à coller l’affiche sur un support de toile et papier pour la consolider (lire par ailleurs). Pour l’applicatio­n des nouvelles couleurs, Dominique Fouasse travaille avec de la peinture acrylique, beaucoup plus facile que la gouache. Il avoue : « J’ai la chance d’avoir ça en moi. Je compare ce don à celui de la voix pour un chanteur. Ma conception de la restaurati­on, est qu’elle doit être la plus discrète possible. »

« Chaque affiche porte une histoire »

« Ce qu’il y a de bien dans ce métier, c’est que chaque affiche porte une histoire en elle », reprend Arthur en exhibant une affiche de Jules Chéret, l’un des plus grands affichiste­s du début XXe siècle, réputé pour ses élégantes, ses représenta­tions du milieu mondain et des salles de spectacle parisienne­s. Ici, une affiche en souvenir de l’exposition universell­e de 1889. Là, les bières de la Meuse d’Alphonse Mucha, oeuvre typique de l’art nouveau. Dans le monde de l’affiche, les records de prix sont, sans surprise, à chercher du côté de Toulouse-Lautrec, pour plusieurs centaines de milliers d’euros. Arthur Fouasse a également développé le site internet qui illustre

(1) le savoir-faire de la famille, et commercial­ise des affiches. Une idée qui l’affiche bien pour Noël.

 ?? (Photos Frank Muller) ?? Au sous-sol de la villa familiale, Dominique et Arthur Fouasse redonnent vie à des affiches du passé. Certaines, créées par des maîtres affichiste­s.
(Photos Frank Muller) Au sous-sol de la villa familiale, Dominique et Arthur Fouasse redonnent vie à des affiches du passé. Certaines, créées par des maîtres affichiste­s.

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