Cazeneuve ouvre la chasse au Fillon
Comme l’a écrit brillamment François Giroud, fin avril , à propos de Jacques Chaban Delmas alors en plein naufrage électoral : «Onnetirepas sur une ambulance ». Question, donc : à quoi sert-il de tirer sur le nouveau chef du gouvernement ? Bernard Cazeneuve n’est, en effet, que le dévoué ambulancier chargé de conduire à son terme le corps agonisant du quinquennat de François Hollande. Cent vingt jours de route qui, le Premier ministre ne peut en douter, ne marqueront pas l’Histoire du pays sauf si des événements tragiques venaient par malheur encore l’accabler. Bien sûr, Bernard Cazeneuve ne pouvait proclamer hier dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale qu’il était là pour gérer les affaires courantes. Il lui fallait donner le change, faire croire que la Ve République reste debout depuis le renoncement du Président à se représenter devant les Français. Travail d’illusionniste qu’il a exécuté d’une voix forte pour affirmer une autorité qu’il sait rabougrie. Exercice impossible qu’il a tenu à pratiquer en donnant le change. On peut saluer cette volonté. On ne peut que constater également combien elle est vaine. Il ne reste au pouvoir que les pouvoirs régaliens pour garantir la sécurité intérieure et extérieure. Personne dans l’opposition, heureusement, n’a pris le risque de les lui contester.
« Cent vingt jours de route qui, le Premier ministre ne peut en douter, ne marqueront pas l’Histoire du pays sauf si des événements tragiques venaient par malheur encore l’accabler. »
Faute de pouvoir annoncer un vrai programme de gouvernement, Bernard Cazeneuve s’est donc lancé dans une apologie du quinquennat de François Hollande. À l’entendre, tout fut parfait ou presque, bref un grand mandat présidentiel. Au point que l’on se demande pourquoi François Hollande a choisi de lâcher le manche. Le chef de l’État en se désistant avait prononcé le Requiem de son mandat. Le service après vente était courageux mais impossible. Comment, d’ailleurs, peut-on défendre que les promesses ont été tenues ? Il suffit de rappeler les engagements de François Hollande sur le chômage ou sa diatribe contre la Finance qui aura été, en fait, son meilleur allié avec la baisse des taux d’intérêt. Bon et loyal soldat mais désarmé, Bernard Cazeneuve a fait envers et contre tout le job. En abattant une carte qu’il voudrait être un atout : le programme présidentiel de François Fillon qu’il a pilonné comme si, d’ailleurs, le vainqueur de la primaire de droite était déjà à l’Élysée en train d’appliquer ses réformes. Cazeneuve a ouvert officiellement la chasse au Fillon, sa seule arme puisque le bilan hollandais est condamné par les Français et critiqué par la plupart des candidats de gauche à la présidentielle. Sans doute François Fillon n’en attendait pas tant : face à cet assaut qui en promet d’autres, son camp – qui veut l’alternance – n’a pas d’autre choix que d’être uni comme un seul homme derrière lui.