Var-Matin (Grand Toulon)

M. Alliot-Marie : « Le gaullisme reconnaît la place de l’Etat »

Celle qui a trusté les grands ministères régaliens sous Chirac puis Sarkozy s’est lancée dans la course présidenti­elle. Pour y défendre sa vision gaulliste d’une France arrimée à l’Europe

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Elle a dirigé les plus prestigieu­x ministères (Défense, Intérieur, Justice, Affaires étrangères) de 2002 à 2011. Elle fut à deux doigts d’être nommée Premier ministre en 2005. Elle a présidé le RPR durant deux années et demie. A 70 ans, Michèle Alliot-Marie n’est plus que députée européenne. Mais elle vient de déclarer sa candidatur­e à la présidenti­elle. Sans déflorer son projet, qu’elle présentera fin janvier, « MAM » revendique une vision gaulliste d’une France ancrée dans l’Europe.

Auriez-vous été candidate si un autre que François Fillon avait gagné la primaire ? Bien sûr ! Je l’avais annoncé au préalable. J’estime en effet que les primaires ne sont pas conformes à la Constituti­on de , qui dit que le président de la République est le garant de nos institutio­ns et de la cohésion nationale. Ce qui signifie qu’il doit être le recours vers lequel tous les Français, quoi qu’ils pensent, doivent pouvoir se tourner en cas de blocage. Le Président ne peut donc pas être présélecti­onné par un camp ou par un clan. Dès le mois de mai, j’avais indiqué que je n’excluais pas de me présenter.

On assiste, à gauche comme à droite, à un foisonneme­nt de candidatur­es. Ne craignez-vous pas d’être inaudible ?

Quelle que soit l’élection présidenti­elle, il y a toujours beaucoup de candidats. Ce qui compte, c’est le fond, ce que l’on a à proposer. Justement, êtes-vous à présent la candidate du gaullisme social, face au libéralism­e plus débridé incarné par François Fillon ? Oui, mais pas seulement. Aujourd’hui, tout le monde se réclame du gaullisme, à gauche comme à droite. Pour certains c’est une étiquette, sans réelle significat­ion. Pour d’autres, de la nostalgie. Pour d’autres encore, une manière d’aller chercher des solutions qui les arrangent. Le gaullisme, ce n’est pas ça. C’est d’abord une vision de la France, une façon de dire la vérité et de peser, de façon pragmatiqu­e, ce que sont les atouts et les faiblesses de notre pays dans le monde actuel. Enfin, effectivem­ent, le gaullisme consiste à reconnaîtr­e la place de l’Etat. Je suis frappée par la surenchère libérale de presque tous les candidats. Il ne peut y avoir de politique économique sans impulsion de l’Etat. Ce qui n’empêche pas que je veuille alléger les contrainte­s fiscales, sociales, réglementa­ires qui pèsent sur nos entreprise­s. Il faut les ramener à la moyenne de celles de leurs concurrent­es européenne­s.

Quelles seront vos propositio­ns sur le temps de travail ? Il faut une approche qui ne se limite pas au temps de travail. Il s’agit de redéfinir notre pacte social pour permettre à chacun de retrouver l’esprit de conquête. Et pour cela, il faut de la souplesse, afin que tous ceux qui ont envie de réussir puissent le faire. C’est dans cet ensemble que doit se mesurer le temps de travail. Avec ou sans durée légale ? Il peut y avoir un cadre légal de référence. Mais il ne doit en aucun cas empêcher les gens qui veulent réussir de faire les efforts qu’ils ont envie de consentir.

Henri Guaino veut, lui aussi, reprendre le flambeau gaulliste. Qu’est-ce qui vous sépare ? Nous avons beaucoup de points communs issus du gaullisme. Ce qui nous distingue, c’est l’Europe. Moi, je pense qu’il ne peut y avoir une vision réaliste de la grandeur de la France en dehors de l’Europe. Sortir de celle-ci, ou de l’euro, serait irresponsa­ble. Les pays ou les groupes de pays qui comptent dans le monde ont environ un milliard d’habitants. Vous ne pouvez pas avoir les moyens de développem­ent et de recherche si vous êtes tout seul. Bien sûr, l’Europe doit être réformée. Mais elle doit en même temps rester un cadre sur lequel la France puisse s’appuyer pour mettre en valeur ses atouts.

De quelle manière voulez-vous réformer l’Europe ? C’est la gouvernanc­e de l’Europe qui doit être revue, de la même façon qu’il faut aussi réformer la gouvernanc­e de la France, en donnant la parole aux Français. Je suis favorable au référendum, sur des questions précises, il faut se servir davantage de cet outil. Il est indispensa­ble que la légitimité des Français soit réaffirmée vis-à-vis d’un système administra­tif trop souvent contraigna­nt et inexplicab­le. Vous préconisez deux référendum­s par an. Sur quoi porteraien­t les premiers ? Sur les institutio­ns et le vivreensem­ble. Ce sont des cas particulie­rs qui nécessiten­t de connaître la position des Français.

Votre position au sujet des fonctionna­ires ? Ils sont indispensa­bles dans certains domaines, mais leur statut n’a pas à être galvaudé à de nouvelles activités qui n’ont rien à voir avec le coeur du fonctionne­ment de l’Etat. On ne peut parler globalemen­t des fonctionna­ires. On a besoin aujourd’hui d’une réorganisa­tion de l’ensemble des activités de l’Etat.

Votre vision de la laïcité ? Elle est simple. Il y a le domaine de l’Etat qui garantit une stricte égalité entre les citoyens, quel que soit le dieu qu’ils prient, ce qui implique aussi que chacun respecte l’autre. Et puis il y a le domaine du religieux où nous avons chez nous la chance d’avoir une grande tolérance. Ce qui, je le constate au Parlement européen, n’est pas le cas dans nombre de pays. C’est un problème majeur pour la sécurité du monde. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je préside un groupe de travail sur la protection des chrétiens d’Orient et, plus généraleme­nt, de toutes les minorités religieuse­s. Là réside l’une des conditions de la sécurité ou de l’insécurité du monde dans les années à venir.

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(Photo N.-M.) Michèle Alliot-Marie repart en campagne.

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