Laurence Vanin : « La transmission est mon devoir »
Cette philosophe et essayiste enseigne à l’Université du Temps libre et vient de lever Le secret du Petit Prince (publié aux éditions Ovadia). Un humanisme qu’elle salue en tant qu’ancien sauveteur
Laurence Vanin est une boulimique de la vie. Cette philosophe qui enseigne à l’Université du Temps Libre à Toulon et à la faculté de lettres du campus de La Garde picore chaque minute du temps qui passe. Il n’a pas de prise sur ce docteur en philosophie et épistémologie. Une prof et un chercheur « dans l’air du temps», comme diraient ses étudiants et qui vient d’élucider Le secret du Petit Prince, paru en juin aux éditions Ovadia. Préfacé par François d’Agay, le neveu de Saint-Exupéry, l’essai est appelé à être traduit en brésilien par Mônica Critina Corréa et paraîtra en portugais à la fin du mois. L’écrivain humaniste, dont la Nation a rendu hommage le 13 décembre dernier au Panthéon, aurait aimé partager son secret « bien gardé » avec celle pour qui « la philosophie doit s’adapter à la vie et poser un horizon de valeurs. » « J’ai mis trois ans pour élucider l’énigme du Mouton. Quand j’étais petite, je ne comprenais pas pourquoi l’aviateur qui tombe en plein désert demande à dessiner un mouton alors que, dans le cadre de la survie, il me semblait qu’il y avait plus urgent. » La réponse qu’il faut découvrir dans les travaux de Laurence Vanin « était tout simplement dans la propriété familiale varoise de Saint-Exupéry. Ce qui rend l’oeuvre encore plus magnifique. L’énigme du mouton lui donne une dimension humaniste universelle et ouvre à un double langage», ditelle, mettant cette année l’aspect philosophique de l’oeuvre sur le devant de l’amphi. « C’était un homme d’engagement, du devoir qui avait le sens de la mission », se plaît-elle à saluer.
Ces mots raisonnent au plus profond de son être. Un «esprit de corps » qu’elle comprend d’autant mieux après avoir partagé dix ans durant la vie collective et opérationnelle de la grande famille des sapeurs-pompiers.
Une vocation brisée
Dix ans d’engagement, de 16 à 25 ans, dont la carrière a été « brisée » par un colonel opposé à la féminisation du corps. « Alors que j’allais passer capitaine, il a mis un terme à ma carrière en me remerciant. Cela a été très dur à vivre car on a alors brisé ma vocation. J’étais faîte pour l’opérationnel », confie-t-elle. Si elle n’en garde aucune nostalgie, la blessure ne s’est jamais totalement refermée. Elle gagnera son procès au bout de trois ans devant le tribunal administratif. Mais réintégrer la caserne du Port-Marchand était devenu mission impossible, même si elle n’a toutefois jamais brisé la chaîne qui la lie à l’esprit de corps. Trois ans de combat qu’elle nourrira sur les bancs de la faculté de Nice en se consacrant à une thèse sur la philosophie politique. Sortie major du Capes de philosophie, l’étudiante niçoise intégrera la direction pédagogique de l’Université du Temps libre (UTL) pour ne plus jamais la quitter. C’était il y a vingtdeux ans. « Comme je suis quelqu’un qui avance, je me suis dit que toutes ces années m’auront servi à être un bon philosophe. Il y a le pompier du corps et celui de l’âme. L’un se nourrit de l’autre », dit-elle en souriant. « Le regretté philosophe, JeanFrançois Mattei, mon mentor, me confiait qu’avoir un parcours atypique, cela pouvait servir ma pensée et me donner plus d’aplomb pour traiter les sujets sur l’opérationnel, l’action et le devenir. »
Il y a le pompier du corps et celui de l’âme. L’un se nourrit de l’autre.”
Elle le mettra à profit dans l’écriture, ces six dernières années, de dix-neuf ouvrages : « En tant qu’essayiste-chercheur, c’est mon devoir : la transmission. »
La vie au bout des doigts
Après avoir détricoté, l’an passé, l’Énigme du temps, paru aux éditions Detrad, Laurence Vanin a partagé, en avril, La vie au bout des doigts avec le professeur Henri Joyeux et l’auteur, Jacques Di Costanzo, paru chez DDB/Le Rocher. Chevillée au corps par le désir d’être toujours connectée avec ce qui l’entoure, elle livre des conférences « au contenu vivant » face à un public de seniors. Elle anime des forums devant des publics très variés : du néophyte au spécialiste, à l’universitaire. « J’avais un parcours de vie qui fait que, même si j’étais jeune à l’époque en intégrant l’UTL, ils n’avaient pas l’impression d’avoir quelqu’un d’immature en face d’eux. La détresse humaine, la misère sociale, je les ai vues relativement tôt. Je n’avais que 16 ans lorsque des personnes sont mortes dans mes bras. Je le dis sans tristesse car ce sont les choses de la vie que l’on touche concrètement, sans oublier l’intégration de la notion de risque dans le cadre des feux urbains ou de forêts. » Passionnée de danse et de musique, elle « s’épanouit » dans l’enseignement universitaire. « Je nourris toujours mes discours d’un contenu en adéquation avec la vie, avec l’expérience. C’est cela aussi le rôle d’un philosophe. Je ne veux surtout pas être murée dans un amphithéâtre, être déconnectée. Cela m’est impossible. » Enseigner, mais aussi écrire pour rendre les concepts accessibles à tous. « On a souvent reproché à la philosophie d’être trop refermée sur elle-même et d’avoir un vocabulaire trop compliqué, reconnaîtelle. Or, il suffit d’avoir un synonyme à substituer à un concept pour tout simplifier. Ce sont des essais sur la société d’aujourd’hui, avec des liens avec des philosophies et des sagesses trop souvent oubliées. J’utilise aussi des mots simples pour expliquer leur pensée, donner du sens à nos actions », confie-t-elle. Un saut en parachute, une virée à moto, une plongée : son côté baroudeur la cheville au corps. « La philosophie est indissociable de l’action. Pas besoin de témoin pour porter un jugement critique sur nos propres actes. On le fait pour soi et dans l’honnêteté de ce qu’on fait. L’avenir est à ceux qui savent s’engager et qui ont le sens du devoir. »
Le 3 janvier, à partir de 14 h, conférence publique.