Le débat des deux gauches
Aucun doute: le deuxième débat de la gauche a été moins guindé que le premier. Il était en tout cas plus vivant et bien plus tonique. Comme si, après un premier round d’observation, le moment était venu, pour les sept candidats de la primaire socialiste, de marquer leur terrain, de se différencier les uns des autres. C’est Vincent Peillon qui, sur ce point, a marqué la première offensive. La première heure avait marqué un consensus sur la nouvelle donne de la politique étrangère française et mondiale, c’est-à-dire sur l’arrivée à la MaisonBlanche d’un Donald Trump imprévisible, menaçant de se désengager de la défense européenne assurée par l’OTAN. Personne non plus n’a remis en cause la nécessité de la construction européenne: chacun, à des nuances près, importantes, mais pas décisives, s’est prononcé pour une remise en ordre d’une Europe, certes plus resserrée, mais, du coup, plus constructive et plus efficace. C’est sur l’immigration que Vincent Peillon, qui s’y préparait depuis longtemps, a voulu prendre ses distances de Manuel Valls, lui reprochant ses prises de positions trop restrictives visà-vis de migrants. Il a cité à cet effet, avec indignation presque, les quelques phrases de l’ancien Premier ministre à Munich, lorsque celui-ci avait, en février dernier, assuré que l’Europe, – et la France – ne pouvaient pas accueillir plus de réfugiés. Contraire à la tradition de l’accueil de la France, ont aussitôt plaidé Arnaud Montebourg et Benoit Hamon, alliés, pour la circonstance, avec Vincent Peillon. Tous contre Valls? On a bien senti, et Valls le premier, le danger. Il y a répondu à sa manière, campant sur ses positions: sans maitrise de l’immigration, pas d’intégration possible de nouveaux arrivants. Deuxième offensive anti-Valls, toujours menée par Peillon, dont on sent qu’il n’a guère de tendresse pour celui qui, en , ne l’a pas repris dans son gouvernement: la pratique du pouvoir. Au coeur de l’attaque, la fameuse phrase de Manuel Valls sur les «deux gauches irréconciliables». Comment, dans ces conditions, prétendre à réunir la gauche après l’avoir à ce point divisée? «Je suis convaincu, a répondu Valls, que la France et la gauche ont une Histoire à écrire ensemble.» En réalité, et même si ex-locataire de Matignon ne l’a pas redit, deux gauches sont bien apparues pendant ce débat où chacun a lâché ses chevaux: une gauche de gouvernement, prête à prendre des décisions, même si elles s’écartent des dogmes et du langage de la gauche traditionnelle, et une gauche plus porteuse de valeurs que d’autorité. En s’affirmant comme il est, régalien, responsable, Manuel Valls incarne la première. En affirmant la nécessité de son revenu universel pour tous, en plaidant pour une France ouverte aux migrants, Benoit Hamon incarne la seconde. François Hollande, le grand absent de cette primaire, n’a pas regardé le débat. Il était allé au théâtre écouter le show de Michel Drucker pendant que les sept hommes qui aspirent à le remplacer débattaient sur les plateaux de télévision. Il n’a pas voulu les regarder tourner une page, la sienne.