Comptes à l’étranger: Dassault au tribunal
Le dossier des comptes cachés à l’étranger de Serge Dassault, qui risque son fauteuil de sénateur, revient aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Paris après un supplément d’information au cours duquel l’industriel a enfin été entendu. Le p.-d.g. du groupe Dassault, 91 ans, est poursuivi pour blanchiment de fraude fiscale. En cause, les comptes de quatre fondations et sociétés, basés au Luxembourg et au Liechtenstein, qui ont abrité jusqu’à 31millions d’euros en 2006, près de 12 millions en 2014. Après trois audiences en juillet dernier où le sénateur (LR) de l’Essonne ne s’est pas présenté devant ses juges, le tribunal a ordonné, deux mois plus tard, de nouvelles auditions. Toutes ont été effectuées, hormis celle de Gérard Limat, grand ami de la famille Dassault, qui gérait des sociétés dont il est question dans cette affaire.
Lié à l’affaire d’achats de voix
Dans un autre dossier, toujours en cours d’instruction, visant Serge Dassault pour un système présumé d’achats de voix pendant les campagnes pour les élections municipales à CorbeilEssonnes en 2009 et 2010, il avait livré un témoignage clé, confiant avoir utilisé deux comptes au Luxembourg, appartenant en réalité au sénateur, pour distribuer jusqu’en 2010 des fonds à des intermédiaires dans le cadre des campagnes électorales à Corbeil. Le 1er septembre dernier, le tribunal a estimé que si «Serge Dassault a bien assumé, au final, être propriétaire de ces fonds dissimulés non déclarés», il convient d’ordonner un supplément d’information pour éclairer les juges sur « le rôle exact du prévenu» dans la gestion de ces fonds. Pendant l’enquête, le sénateur n’avait pas déféré aux convocations des enquêteurs. Mais il a finalement été entendu dans le cadre du supplément d’information. Sa présence au procès à partir d’aujourd’hui semble peu probable. Les investigations supplémentaires visaient également à entendre l’avocat suisse de Dassault, Me Luc Argand, et à obtenir la déclaration de succession de Claude Dassault, frère de Serge décédé en 2011. Serge Dassault a en effet affirmé, dans des courriers, qu’il a hérité de ces fonds, qui appartenaient à son père, mort en 1986, puis à sa mère, décédée en 1992, avant de revenir à son frère Claude et à lui.
Non déclarés au fisc
Quant à l’origine des fonds, selon la « rumeur » au sein de la famille, ils auraient été placés dans les années 1950 par Marcel Dassault, qui avait « peur de revivre la guerre » et voulait « protéger sa famille ». Il est également reproché à Serge Dassault d’avoir omis dans ses déclarations de patrimoine 11 millions d’euros en 2014 et 16 millions d’euros en 2011. Il a depuis régularisé sa situation, tant auprès de l’administration fiscale que de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui avait saisi la justice. Au mois de juillet, le parquet national financier avait requis deux ans de prison avec sursis, neuf millions d’euros d’amende et surtout cinq ans d’inéligibilité. Car pour l’accusation, se pose la question de savoir si Serge Dassault, membre de la commission des Finances, «peut décemment donner ses avis sur la loi fiscale», «sur les lois qui répriment le blanchiment».