Var-Matin (Grand Toulon)

Avec Trump, les Etats-Unis changent de visage

Donald Trump étant investi aujourd’hui, un rapprochem­ent entre la Russie et les Etats-Unis est au menu. Réactions de Russes et d’Américains de Toulon sur ce tournant géopolitiq­ue

- SIMON FONTVIEILL­E sfontvieil­le@nicematin.fr

Depuis la présidence de Barack Obama, ils se sont déchirés sur la guerre civile syrienne ou encore l’Ukraine. Pourtant, avec l’élection du milliardai­re excentriqu­e Donald Trump comme e président de la première puissance mondiale, les États-Unis et la Russie de Vladimir Poutine pourraient bien vivre une petite lune de miel. C’est que, et ce depuis la campagne électorale américaine, Donald ne tarit pas d’éloges sur son compère Vlad. Si l’on en croit la CIA et le FBI, les hackers de ce dernier auraient même un peu aidé son Dodo d’amour à s’installer à la Maison Blanche. Mais qu’en pensent au juste les principaux intéressés, les Américains et les Russes de Toulon ?

Un rapprochem­ent heureux ?

« En France, beaucoup de Russes pensent que l’élection de Donald Trump est un moindre mal», estime Dimitri Kochko, journalist­e franco-russe membre des Amitiés russes de Provence. «Non pas parce qu’ils l’aiment, mais parce qu’avec Hillary Clinton, c’était la guerre presque assurée! Au moins Trump a dit qu’il voulait rétablir le dialogue… » Côté américain, on est plus partagé. « Moi, j’ai l’impression que Trump mange dans la main de Poutine et que la Russie va se servir des États-Unis pour défendre ses intérêts », glisse Dustin Thompson, barman américain au Bouc Ness. « Si ces deux puissances travaillen­t ensemble, ça pourrait calmer les choses du monde, les points chauds comme au Moyen-Orient », lance Kevin Little, ancien capitaine de vaisseau de l’US Navy. La paix dans le monde, quoi de mieux ?

Un rapprochem­ent certain?

« Je ne sais pas, je ne suis pas Nostradamu­s », s’amuse Lioudmila Dole, professeur de russe et présidente de l’associatio­n Les amis de la culture russe. Même réserve du côté yankee. « Il faut bien avoir en tête qu’aux États-Unis, le président ne fait pas tout, il faut compter sur le Congrès et la Cour Suprême pour établir des traités et avoir des échanges », précise Kevin Little. « Et même si on se lançait dans une coopératio­n militaire, ça n’aurait pas d’effet avant cinq ou dix ans… » Serions-nous donc seulement au stade des fiançaille­s ?

Une revanche historique des Russes ?

« Ce que ne supportaie­nt pas les démocrates américains, c’est que la Russie mène une politique étrangère indépendan­te, en défendant ses intérêts, affirme Lioudmila Dole. Pour la Crimée, par exemple, son rattacheme­nt à la Russie a été l’union d’une terre historique­ment russe au reste du pays et la défense des accès aux mers du sud ».« Après la chute du mur de Berlin, Boris Eltsine s’était dit “maintenant qu’on en a fini avec le communisme, on peut s’entendre avec tout le monde”. Mais les États-Unis se sont dits “on a gagné la Guerre Froide, maintenant les Russes font ce qu’on leur dit de faire”, explique Dimitri Kochko. Ça a duré jusqu’en 2008. Là, les Américains donnent le feu vert à la Géorgie pour attaquer l’Ossétie-du-Sud, et la Russie intervient militairem­ent. Finalement, ce rapprochem­ent, c’est un peu la contestati­on du monde unipolaire… » Oncle Sam, jouer au winner, c’est pas très fair-play…

Les élections américaine­s piratées ?

C’est THE question sur les élections américaine­s : des hackers à la solde du Kremlin ont-ils piraté les comptes mails du parti démocrate et d’Hillary Clinton pour favoriser l’élection de Donald Trump? En tout cas, Barack Obama et les boss du FBI et de la CIA l’affirment, et trentecinq diplomates russes ont été expulsés des États-Unis à la fin du mois de décembre. «La Russie qui pirate, je trouve que c’est possible, mais gros. Les niveaux de sécurité informatiq­ue sont élevés aux États-Unis, confie Dustin Thomson. J’ai l’impression que les Américains font monter cette affaire de piratage pour justifier le fait qu’ils ont élu Trump… Ils ont honte et ça les rassure de penser qu’en fait, c’est à cause des Russes. » «Cette accusation est ridicule, ce n’est pas prouvé. Pour moi, c’est une opération de politique interne américaine, pour savonner la planche à Trump», juge Dimitri Kochko. « Et même s’il y a eu du hacking, vous croyez vraiment que les électeurs américains regardent ce qui est publié sur Wikileaks? »« Je n’en sais rien, mais le fait que le FBI et la CIA disent qu’il y avait eu une influence russe, c’est qu’il y a eu quelque chose», estime Kevin Little. «Peut-être rien de décisif sur les résultats, mais quelque chose…» Damned !

Et l’Otan dans tout ça ?

Tiens mais c’est vrai ça… Si Donaldinet se rapproche de Vladinou et que l’Otan est jugée « obsolète » par Trump himself, que va-t-on devenir, nous pauvres Européens qui avons des armées minus? «C’est la vraie question de ce rapprochem­ent», assure Kevin Little. «Mais ce que dit aujourd’hui Trump sur l’obsolescen­ce de l’Otan, ça fait trente ans qu’on en parle dans les milieux militaires, américains comme français…» Si tu veux la paix, prépare la guerre...

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(Photo Patrick Blanchard) Ennemi sous le mandat de Barack Obama, l’ex-empire soviétique de Vladimir Poutine pourrait bien devenir une maîtresse aimée par l’Oncle Sam. Bons baisers de Russie !
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(Photo S. F.) Lioudmila Dole, présidente des Amis de la culture russe.
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(Photo S. F.) Dustin Thompson, barman au Bouc Ness.

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