Var-Matin (Grand Toulon)

Un simple bonjour, ça fait plaisir ”

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comme ça, dans l’esprit des gens, SDF rime forcément avec alcoolisat­ion et addiction en tout genre. Du fait d’une histoire familiale compliquée, Lara est cependant une intégriste de l’abstinence. L’éthanol est tabou. « On en avait marre de dormir sur la terrasse du RCT Café avec les alcoolique­s, alors en décembre dernier, en économisan­t un peu chaque jour, on a acheté une voiture ». Une vieille guimbarde qu’ils n’utilisent pas pour prendre la route, mais qui leur sert uniquement à dormir et à mettre à l’abri le peu qu’ils possèdent. « Mais quand il fait froid dehors, il fait froid aussi dans la voiture », fait remarquer Stevie. Retour à l’Étape. Après une bonne nuit de repos, les deux amoureux doivent quitter les lieux. Il est 9 h 20. Ils ne sont pas les premiers à sortir du CHRS. « On a un peu traîné », concède Stevie, dans un sourire presque coupable. Avant de refermer la porte derrière eux, ils ont pris soin d’appeler le 115 pour tenter d’obtenir à nouveau une chambre pour la nuit suivante. La toute première tâche de la journée, presqu’une obsession pour tout SDF qui ne s’est pas encore résigné à faire de la rue son chez-soi. «Pour nous qui n’avons pas de téléphone portable, c’est une vraie galère d’appeler le 115. Surtout si on n’arrive pas à leur parler du premier coup. Il faut qu’on demande aux passants s’ils veulent bien nous prêter leur portable. Et comme on est SDF, beaucoup ont peur qu’on parte avec en courant. » Toujours la même rengaine. En jouant sur leur jeune âge, sur les conseils d’un employé de l’Étape, Stevie et Lara obtiennent une place pour la nuit. Un soulagemen­t. Car les deux jeunes l’affirment : « La rue n’est pas notre choix. On la subit. » En attendant 18 heures, horaire strict auquel il faut se pointer au CHRS, une autre journée dans le froid les attend. Et ils sont en retard. En retard ? « En traînant un peu ce matin, on est en retard pour faire la manche », explique Stevie. « Le matin assez tôt, c’est l’heure des mamies. Ce sont les plus sympas avec nous, les plus touchées par notre situation », complète Lara. Les petites attentions dont elles font preuves à leur égard leur réchauffen­t le coeur. «Même un simple bonjour, ça fait plaisir », glisse Lara. À regarder son visage quand elle lâche ces quelques mots, on devine que les gentilless­es qu’on leur adresse sont plutôt rares. Du haut de son mètre cinquanten­euf, la jeune fille ne se laisse pas faire. « Quand on nous dit d’aller travailler plutôt que de tendre la main, je réplique que je suis prête à faire le ménage. Même quand les passants ont des paroles blessantes, on peut leur répondre intelligem­ment. Mais que faire contre la condescend­ance de certains regards. C’est parfois plus violent que des mots », témoigne Lara. D’un ton las, elle ajoute : « Le plus dur, c’est de se dire que ça va continuer. Ne pas savoir quand cette vie de misère va s’arrêter. » Avant de se reprendre, à nouveau plus combative : « Si on ne veut pas rester SDF, on ne le restera pas. » Par chance, Stevie et Lara se sont trouvés. Dans la rue bien sûr. « Être à deux, ça rend plus fort », lâche Stevie. Ils sont jeunes. Ils sont beaux. L’espoir n’est pas perdu. Repensant à son enfance pas si lointaine, Lara se prend à rêver : « Quand j’étais petite, je regardais Docteur Quinn, femme médecin. J’ai toujours voulu aider les gens. Alors quand tout cela sera fini, je reprendrai ma scolarité et les études. » Après avoir longtemps rêvé d’être fermier, Stevie, lui, se verrait bien mécanicien. « Ça me détend. » Mais pour que ces projets de vie aient une chance d’aboutir, ils le savent, « la priorité est la domiciliat­ion ».

La rue n’est pas notre choix. On la subit ”

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