Var-Matin (Grand Toulon)

ET UN JOUR...

Au XIXe siècle, le massif de la Sainte-Baume compte plusieurs glacières. On y stocke la glace durant l’hiver. Le er septembre , sur fond de guerre entre marchands glaciers, une altercatio­n dégénère en coup de fusil à Mazaugues.

- CHRISTOPHE MEURET

En ce début de XIXe siècle, les glacières, énormes réservoirs de pierre destinés à stocker la glace, poussent comme des champignon­s sur les versants nord et oriental de la SainteBaum­e. On achemine la glace de nuit vers Toulon et Marseille principale­ment. La concurrenc­e entre marchands glaciers commence à créer des tensions. Ce 1er septembre 1825, sous le règne de Charles X (1824 -1830), c’est un maçon, Xavier Marchand, qui fait route de Rougiers vers deux glacières en constructi­on au quartier de l’Orphelin à Mazaugues, avec six ouvriers et un attelage de boeufs. Au moment où la troupe dépasse une bastide nommée « Les Glacières », le propriétai­re du lieu, Michel Pivot, s’interpose. Xavier Marchand propose alors de le dédommager si le chemin est abîmé. Après quelques tractation­s, le maçon décide d’avancer car le chemin est communal. Pivot ne l’entend pas ainsi, traitant les hommes de « canailles ». Il court chercher son fusil à deux canons. Canorgues, un des ouvriers, lui dit qu’il est en tort s’il tire sur des hommes désarmés. Mais, Michel Pivot épaule son fusil. « Au premier ! », s’écrie-t-il, puis il ouvre le feu.

Jugé et acquitté

Canorgues, sans parvenir à le désarmer, a pu détourner le tir mais il est blessé. Le 3 septembre, Pierre Tistanier, médecin de Signes, certifie que le poignet de Canorgues montre les plaies d’un coup de fusil. Deux pièces à conviction sont transmises au juge de Brignoles : le fusil double et un gilet. Ce dernier envoie une commission rogatoire à son homologue de Toulon. Lequel procède le 30 septembre à l’interrogat­oire des témoins puis traduit l’affaire en justice. Le 9 décembre, un mandat d’arrêt est signé contre Michel Pivot. Le garde champêtre de Meynarguet­te (aujourd’hui territoire de Mazaugues), relaie l’informatio­n au tambour devant la mairie de Signes. Le document est placardé sur la porte de la bastide « Les Glacières. » On ne sait comment la police met finalement la main sur Michel Pivot mais le 16 mai 1826, Honoré-Esprit Gérard,

président du tribunal de première instance de Draguignan, procède à l’interrogat­oire de l’accusé. Le marchand-glacier, né à Marseille, demeurant à Meynarguet­te, âgé de 36 ans nie la tentative d’homicide volontaire : « Voyant des inconnus sur son terrain, il les a interpellé­s, ils l’ont insulté et maltraité ». Le maire de Meynarguet­te établit un certificat de bonne conduite, le maire de Marseille fait de même. Le procès a lieu les 2 et 3 juin 1826. Dans cette affaire, qui traduit la dureté des relations entre producteur­s de glace autour d’enjeux aujourd’hui oubliés, Michel Pivot est finalement acquitté.

 ?? (Photo DR) ?? La glacière Pivaut sur le versant oriental de la SainteBaum­e, dont le nom est sans doute lié à la famille de Michel Pivot, appartenai­t à un ensemble de  glacières.
(Photo DR) La glacière Pivaut sur le versant oriental de la SainteBaum­e, dont le nom est sans doute lié à la famille de Michel Pivot, appartenai­t à un ensemble de  glacières.

Newspapers in French

Newspapers from France