Var-Matin (Grand Toulon)

 et  : Napoléon III en visite à Toulon en visite à Toulon

En 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, lance de grands travaux à Toulon. Huit ans plus tard, devenu empereur, il vient constater les résultats.

- ANDRÉ PEYREGNE

Partout des tirs de canons dans les forts et le port de Toulon. La ville semble ébranlée de toutes parts. La rade est embrumée de fumée. Soudain, apparaît à l’entrée du port, la silhouette grandiose du Napoléon, les mâts ornés de drapeaux tricolores. Sur les quais, la foule crie sa joie, agite des oriflammes. À bord se trouve Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, venu rendre visite au grand port de la Méditerran­ée. Le Napoléon est entouré de quatre autres navires, le Reine Hortense -dunom de la mère de Napoléon-, le Prony, l’Éclaireur et le Berthollet. Nous sommes le 28 septembre 1852. Louis-Napoléon Bonaparte préside la Deuxième République depuis quatre ans. Comme la Constituti­on stipule que le président ne peut effectuer qu’un seul mandat et que LouisNapol­éon Bonaparte souhaite rester au pouvoir, il a perpétré un coup d’État le 2 décembre 1851 afin de se maintenir à son poste. Cela a entraîné de sanglants désordres dans le pays, notamment dans le Var. Louis-Napoléon Bonaparte a pu toutefois rétablir son autorité grâce à deux référendum­s (lire en

encadré). Il a entrepris plusieurs voyages pour aller à la rencontre du peuple français, dont celui-ci dans le sud de la France.

Il gracie les prisonnier­s du coup d’État

Accueilli par le maire de Toulon, Auguste Raynaud, et par le préfet du Var, Paul-François de Preissac, l’empereur sillonne la ville, campé sur son cheval, buste droit, front haut, moustache et barbe « à l’impériale ». La population l’acclame. Il se rend sur les contrefort­s du « Petit Gibraltar », près de La Seyne. C’est une colline que les Anglais ont appelée ainsi lors du du siège de Toulon de 1793. Son oncle Napoléon Bonaparte s’est distingué contre eux lors de ce siège. Louis-Napoléon Bonaparte salue et décore de vieux soldats de l’empire, gracie des insurgés emprisonné­s, à la suite du coup d’État du 2 décembre 1851. Parcourant les fortificat­ions, il explique au maire qu’il faut abattre les murs pour agrandir la ville. « Là se trouvera le grand boulevard de la ville » suggère-t-il ! Ce sera le futur boulevard de Strasbourg. Le président et le maire vont sur les pentes du Faron pour observer la cité de haut et imaginer son extension. L’avenir de la ville se dessine sous leurs yeux. Le soir, un grand bal les attend sur le port. Un chapiteau a été dressé. Il ne s’agit pas d’une simple toile de tente mais d’un édifice aux allures de palais royal, orné d’estrades, de loges et d’escaliers. Les invités apparaisse­nt en tenue d’apparat. Au moment le plus fort de la soirée, on fait descendre sur la tête du président, grâce à une poulie, une couronne symbolique de son pouvoir. Louis-Napoléon apparaît au sommet de sa gloire. La nuit ne semble pas avoir de fin. Mais le lendemain matin, le Napoléon a quitté le port et emporté le Président vers Marseille… Huit ans ont passé. Nous voici à présent le 11 septembre 1860. Le président est devenu l’empereur Napoléon III le 2 décembre 1852, à peine plus de deux mois après son premier voyage à Toulon. Il y a eu un autre grand changement dans sa vie. Il s’est marié. Il a épousé le 29 janvier 1853 Eugénie de Montijo. Décidant de se rendre à Nice, qui vient d’être rattachée à la France, il a souhaité de faire halte à Toulon. Napoléon III, son épouse et sa suite, ont gagné Marseille en train. Ils y sont arrivés le 10 septembre. Leur voyage est décrit par le commandant historien toulonnais Emmanuel Davin.

De là, ils se sont embarqués à destinatio­n de Toulon à bord de l’Aigle, yacht personnel de l’empereur. Autour de ce bateau commandé par l’amiral Dupuy et à bord duquel se trouvent onze officiers et cent quatre-vingt-quatre hommes d’équipage, voguent le cuirassé Gloire - premier navire militaire en fer fabriqué en Europe, sorti des chantiers navals toulonnais – le Vauban ,l’ Eylau ,le Reine Hortense, l’Ariège et le Sèvres. Il pleut sur Toulon. Vers 10 heures, les canons du port et des forts annoncent l’arrivée des souverains. Le préfet du Var, Prosper de Fleury, et le préfet maritime, l’amiral Jacquinot, ancien compagnon de Dumont d’Urville lors de son expédition en Terre Adélie, vont à leur rencontre. L’empereur et son épouse accostent sur le quai situé en face de l’actuelle place Louis-Blanc. Là, a été installé un pavillon somptueux dont le dôme aux ornements impériaux repose sur six colonnes débordante­s de tentures et d’oriflammes. Le maire Aimé Pessoneaux

Parcourant les fortificat­ions, Napoléon III explique au maire qu’il faut abattre les murs pour agrandir la ville. « Là se trouvera le grand boulevard de la ville», suggère-t-il. Ce sera le futur boulevard de Strasbourg.

accueille les souverains. Peu à peu, la pluie cesse. L’empereur et son épouse ont pris place dans une calèche ouverte tirée par quatre chevaux. Dans les rues, la foule se presse. La venue de Napoléon III a donné lieu aux préparatif­s les plus extravagan­ts. On a vu dans la presse la publicité d’un pédicure invitant la population à venir se faire soigner les pieds afin de mieux supporter la station debout ! Le couple impérial se dirige vers la cathédrale, où il est accueilli par l’évêque de Fréjus Mgr. Jordany. « Vive l’empereur, vive l’impératric­e ! » Partout des cris dans les rues ou aux balcons. Après la cérémonie religieuse, le cortège repart par le cours Lafayette, qui a été abondammen­t sablé pour amortir les secousses des pavés. L’empereur et l’impératric­e se dirigent vers la préfecture maritime. C’est là qu’aura lieu le déjeuner. Napoléon III anoblit le maire qui s’appellera désormais « Pessoneaux du Pujet ».

Des terrains pour le futur lycée Peiresc

L’empereur tient aussi à rencontrer « le peuple ». À une délégation de collégiens, il promet d’offrir à la ville les terrains pour la constructi­on du futur lycée Peiresc. Recevant des commerçant­es des Halles, il est interpellé par l’une d’elles. Faisant allusion à son fils Louis, âgé de 4 ans, elle interroge, sans gêne : «Comme va lou pitchoun ? ». L’empereur répond du tac au tac : « Va ben ! » La soirée se termine à nouveau par un bal. On a voulu reconstrui­re, en plus monumental, le chapiteau dressé en 1852. Hélas, on a vu trop grand. Quinze jours plus tôt, la structure offrant une trop vaste prise au vent a été balayée par le mistral, tuant sept ouvriers, blessant une dizaine d’autres. L’empereur ouvre le bal aux bras de Madame Pessoneaux du Puget, l’Impératric­e à ceux de l’amiral Jacquinot. On tourne dans l’ivresse des soirées historique­s. Mais l’horaire protocolai­re est sans pitié : à 22 heures 30, Napoléon III et son épouse doivent regagner l’Aigle .La fête va se terminer. Peu de temps après, le vaisseau impérial quitte le port sous un feu d’artifice. C’est alors que, pour une raison indétermin­ée, un incendie éclate dans une maison voisine du chapiteau. Panique parmi les invités. Tout le monde fuit dans la précipitat­ion, les hommes prenant au hasard des chapeaux qui n’étaient pas forcément les leurs. Le lendemain, on reconnaîtr­a en ville les hommes qui avaient assisté au bal par le fait qu’ils étaient coiffés de chapeaux trop grands ou trop petits pour eux! Pendant ce temps, l’empereur s’éloigne. Prochaine étape : Nice. Nous l’y retrouvero­ns la semaine prochaine.

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(Musée de la Marine de Toulon et DR) Arrivée du président Louis-Napoléon en , peinte par Morel-Fatio. Louis-Napoléon Bonaparte en empereur. L’impératric­e Eugénie. En , l’empereur et l’impératric­e assistent à une réception. Napoléon III et son épouse reçoivent les clés de la ville de Toulon.
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(DR) Le grand bal sous un chapiteau somptueux en forme de salle de palais impérial.
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L’Aigle, yacht personnel de l’empereur.

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