Coup de Trafalgar
Décidément, l’élection présidentielle ne ressemblera à aucune des neuf qui l’ont précédée. Certes, toutes ont réservé des surprises mais les primaires de la droite et de la gauche révèlent un désir d’émancipation des électeurs sans précédent. Comme la confrontation de la droite au mois de novembre, l’affrontement de la gauche hier a accouché d’un séisme. De fait, c’est un nouveau coup de Trafalgar que l’on a vécu. En arrivant en tête de ce premier tour, devançant de cinq points Manuel Valls, deuxième, Benoît Hamon a démenti tous les pronostics. Surtout, le vainqueur de ce premier round, tenant d’une gauche de rupture, s’installe en favori du second tour tant les réserves de voix de Manuel Valls sont faibles. Porté par une dynamique, Benoît Hamon a désormais toutes les chances d’être le représentant du PS au premier tour de la présidentielle. Son probable succès fait déjà des victimes. La première, c’est François Hollande. Car ce scrutin consacre dans les urnes son impopularité massive et la déception qu’il a fait naître dans l’électorat de gauche au terme de son quinquennat. Si l’on additionne les seuls suffrages de Benoît Hamon et d’Arnaud Montebourg près de % des électeurs se sont prononcés pour des candidats en opposition complète avec le chef de l’État. Le hollandisme a connu sa dernière heure ce janvier, cinq ans jour pour jour après son acte de naissance lors du discours du Bourget. Mais une autre page se tourne. Ce sont bel et bien deux gauches irréconciliables qui s’affronteront dans les urnes dimanche. Du faceà-face Hamon-Valls ne peut naître qu’une implosion du Parti socialiste tant ces hommes sont désormais en désaccord sur tout. Comment Valls peut-il soutenir de manière crédible un programme qu’il juge irréalisable ? Comment Hamon, hypothèse peu probable, pourrait-il se ranger derrière Valls s’il venait à l’emporter ? Le PS de François Mitterrand, né à Epinay en , vit ses derniers jours après avoir permis tout de même à la gauche de gouverner vingt ans au cours des trente-six dernières années. Ce scrutin fait aussi des victimes secondaires, à commencer par l’ambitieuse maire de Paris, Anne Hidalgo, qui avait cru bon de soutenir Vincent Peillon, renvoyé à ses cours de philosophie en Suisse avec moins de % des suffrages. La voici bien mal placée dans la recomposition inéluctable qui va s’opérer. En vérité, les Français ont montré hier, comme en novembre dernier, qu’ils ne veulent plus qu’on leur dicte leur vote : que ce soit les partis, les grandes figures politiques ou les médias ! Ils ont retrouvé une liberté qui rend la suite de cette présidentielle imprévisible. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
« Le hollandisme a connu sa dernière heure ce 22 janvier, cinq ans jour pour jour après son acte de naissance lors du discours du Bourget. »