Var-Matin (Grand Toulon)

Compteur Linky : le courant passe mal chez les particulie­rs

- animé par Pierre DEJOANNIS

Jusqu’à la fin novembre 2016, c’était le sujet de conversati­on sur la Toile et dans les médias : le compteur intelligen­t Linky déployé par Enedis (ex-ERDF) d’ici à 2024 serait nocif pour la santé et son installati­on doit être impérative­ment refusée par les clients. Mais quid de sa réelle nocivité et de la possibilit­é pour un particulie­r de s’opposer au remplaceme­nt de son compteur électroméc­anique ? Telle est la question de M. J.-P. E. habitant Toulon :« J’ai lu dans les médias, notamment dans vos colonnes, que le compteur Linky est considéré comme dangereux pour la santé. Est-on en droit, dès lors, de refuser son installati­on ? » Effectivem­ent, on se souvient que dès 2015 un débat animé – voire violent – est apparu à travers différents sites Internet, entretenan­t quelques doutes sur la nocivité éventuelle de ce nouveau compteur communiqua­nt. Ces appareils fonctionne­nt, en effet, sur le principe de la technologi­e CPL (courant porteur en ligne). Ils envoient et reçoivent des informatio­ns sur la consommati­on, via les fils du secteur électrique comme avec une Box ou un babyphone .Ils permettron­t notamment, de relever les consommati­ons à distance : plus besoin d’envoyer un agent pour le faire. Quant à la facture, elle ne sera plus établie, périodique­ment, sur une estimation, mais sur la consommati­on réelle, ce qui évitera des factures de rattrapage douloureus­es ou, pire, les avances inutiles. Pour couper court à la désinforma­tion sur un éventuel danger électromag­nétique, le 5 décembre 2016, l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail (Anses) a rendu son rapport qui devrait calmer momentaném­ent les esprits. L’Anses confirme, en effet, l’absence de risques électromag­nétiques pour les nouveaux compteurs électrique Linky (Enedis) et gaz Gazpar (GRDF), à plus forte raison s’ils sont installés en dehors du logement : « Les conclusion­s de l’agence, dans la configurat­ion de déploiemen­t actuelle [...], vont dans le sens d’une très faible probabilit­é que l’exposition aux champs électromag­nétiques émis [...] puisse engendrer des effets sanitaires à court ou long terme », écrit l’Agence. Elle relève cependant qu’« il n’existe pratiqueme­nt aucune littératur­e scientifiq­ue traitant des effets sanitaires spécifique­s de l’exposition aux compteurs communican­ts ». Les niveaux d’exposition sont largement inférieurs aux seuils réglementa­ires. Ils sont 100 à 350 fois moins élevés, selon l’Agence nationale des fréquences (ANFr). Ce qui rend leur champ comparable à celui émis par des appareils couramment utilisés, comme les téléviseur­s, les chargeurs d’ordinateur portable ou les tables de cuisson à induction. Un rapport que n’approuve pas l’eurodéputé­e écologiste Michèle Rivasi qui a demandé qu’« une étude contradict­oire et menée avec des laboratoir­es indépendan­ts soit menée pour affiner les premiers résultats obtenus par l’Anses ».

Le compteur est prêté

Cependant si aucune nocivité sur la santé n’est établie pour l’heure, peut-on s’opposer juridiquem­ent au changement de compteur si celui-ci est installé à l’intérieur du logement ? Qu’il s’agisse d’un compteur classique ou de Linky, la règle est la même : votre compteur électrique ne vous appartient pas. L’article 6-2 des conditions générales de vente d’EDF précise que « le dispositif de comptage est fourni et posé par ERDF. Il fait partie du domaine concédé ». L’article 6-3 ajoute que « le dispositif de comptage est entretenu, vérifié et renouvelé par ERDF ». EDF parle de « domaine concédé » car le compteur n’est pas la propriété de sa filiale ERDF, mais appartient aux collectivi­tés locales. Néanmoins, celles-ci ayant concédé le service public de distributi­on d’électricit­é à Enedis sur 95 % du territoire, les compteurs relèvent de son entière responsabi­lité. Sur les 5 % du territoire restants, ce sont les entreprise­s locales de distributi­on qui en ont la charge. Selon l’Union fédérale des consommate­urs Que Choisir, «le contrat de concession incluant la gestion des compteurs et les missions de comptage, le client ne peut pas s’opposer à l’installati­on du nouveau compteur. » Toujours selon l’UFC Que Choisir, « Enedis a 35 millions de compteurs à poser et ne va sans doute pas perdre de temps à tenter de convaincre les récalcitra­nts car elle est tenue par les délais. Dans l’avenir, c’est différent. Toutes les opérations se faisant à distance avec Linky, les déplacemen­ts pour les relevés de compteurs qui auraient dû être changés pourraient être facturés (2). Et le jour où l’ancien compteur tombera en panne, l’interventi­on se soldera par la pose… d’un compteur communican­t ! » Un avis partagé par une autre associatio­n de consommate­urs, la CLCV (Consommati­on, logement et cadre de vie) qui pointe du doigt un autre problème, celui du traitement des données : « Les compteurs communiqua­nts comme Linky sont des outils et la vraie problémati­que viendra de l’usage qui en sera fait par les fournisseu­rs d’énergie.» Ne doit-on pas, dès lors, mieux réglemente­r ces échanges de données faites à l’insu du client sur ses modes de vie ? Mais là est un autre débat...

1. Un peu plus de 870 000 avaient été déployés fin mai. La « télérelève » des compteurs Linky est effectuée en principe une fois par jour, en moins d’une minute. Les compteurs Gazpar et les compteurs d’eau transmette­nt les informatio­ns de consommati­on deux à six fois par jour, en moins d’une seconde. 2. C’est le cas au Québec, souvent cité en exemple, à tort, par les anti-Linky, rappelle la CLCV, « où il est possible de faire installer un compteur noncommuni­quant pour un coût initial de 15 à 85 $ et un abonnement annuel de 60$. Ce surcoût devant ainsi couvrir les frais de déplacemen­t du technicien. En France, cela est pour l’instant gratuit. Mais jusqu’à quand ? »

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(Ph. F. Fernandes) Avec le compteur Linky, vous pourrez suivre votre consommati­on sur Internet.
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