Var-Matin (Grand Toulon)

«Le Parti socialiste est proche de l’explosion »

Professeur en sciences politiques spécialist­e du PS, Rémi Lefebvre décrypte le premier tour de la primaire à gauche et plus généraleme­nt, les conséquenc­es de l’exercice sur le parti

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE MICHEL kmichel@nicematin. fr

Quels enseigneme­nts tirer du premier tour de la primaire à gauche ? On en retient un Parti socialiste qui n’a jamais été aussi proche de l’explosion. Une primaire, c’est à la fois de la différenci­ation et de la coopératio­n. De l’opposition puis de la convergenc­e… Or, aujourd’hui, le processus de convergenc­e apparaît extrêmemen­t compromis : quand on a entendu dimanche soir, Manuel Valls dire «avecle revenu universel c’est la défaite assurée… », on sait bien que ces propos ne sont pas ceux de quelqu’un qui respecte les règles de la primaire. Dès lors le rassemblem­ent est impossible.

Cette primaire n’est-elle pas le premier pas vers un congrès ? C’est d’abord une primaire de décomposit­ion du PS. L’existence même du parti est en jeu. Et il n’y aura peut-être pas de congrès parce qu’il n’y aura peut-être plus de PS ! Pour un congrès, il faut que les dirigeants du PS acceptent le verdict. Le PS, très affaibli, est entré dans la primaire pour se relancer. Or le calendrier a été défini très tardivemen­t en fonction de François Hollande. Du coup, non seulement le parti ne peut pas se relancer et en plus, Macron et Mélenchon se sont installés. Du coup, on a l’impression que la primaire socialiste ne sert pas à grandchose car, finalement, il y a déjà des candidats à la gauche du PS et au centre gauche. Il aurait aussi fallu plus de deux millions de votants. On en est loin. Enfin, facteur aggravant : la distance idéologiqu­e entre Manuel Valls et Benoît Hamon est infranchis­sable.

Que représente­rait la victoire de Benoît Hamon au PS ? C’est un minoritair­e… Le notable socialiste moyen ne peut pas voter Hamon, qui est marginal au sein du parti. Inversemen­t, si jamais Valls faisait une remontée et était désigné, comment voulez-vous que les soutiens de Benoît Hamon votent Valls ? On est arrivé au point de rupture. Ma conviction est que si Hamon gagne dimanche – et il va gagner – vous allez avoir un tiers des cadres du PS qui va rejoindre Emmanuel Macron. Le candidat désigné par la primaire de la gauche devrat-il justement, comme certains le suggèrent déjà, se retirer au profit de Macron ? De Macron ou de Mélenchon ? C’est toute la question. Hamon ira jusqu’au bout… Mais pour l’instant, il n’est pas question du désistemen­t d’un candidat mais plutôt de nombre de dirigeants du parti qui vont rejoindre Macron ou Mélenchon.

François Hollande aurait-il dû selon vous, venir défendre son bilan et proposer un projet de continuité ? Le résultat aurait été le même, voire pire. Il n’y avait plus que des mauvaises solutions pour le PS. Il ne faut pas croire que cela aurait été différent s’il n’y avait pas eu de primaire ou si Hollande avait été candidat. Si cela avait été le cas, les gens seraient venus voter contre lui.

Avec moins de deux millions de votants pour ce premier tour, quelle sera la légitimité du vainqueur ? Déjà, on ne sait toujours pas combien de personnes ont voté… Dans tous les cas, la situation est paradoxale car le PS compte moins de   adhérents. Et en même temps, le chiffre n’a pas de réelle valeur car  % des gens qui ont participé au scrutin savent pertinemme­nt que le vainqueur ne pourra pas remporter la présidenti­elle. C’est une primaire de désespéran­ce.

C’est une primaire de désespéran­ce ”

Pourquoi vont-ils voter alors ? Ils expriment leur appartenan­ce à un camp. Et en même temps ils sont sans illusion...

En résumé : le PS est mort... Vive l’après-PS ? Attention, le PS en a surmonté des crises… Certes, là, ce n’est pas l’une de ces petites crises auxquelles le parti nous avait habitué. Mais la différence c’est qu’auparavant, le PS, même très affaibli, n’était pas concurrenc­é par un autre parti. Là, ce n’est plus le cas…

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