Le travail et la laïcité, deux grosses pommes de discorde
L’un, Benoît Hamon, entend réenchanter un «futur désirable». L’autre, Manuel Valls, enraciner une société « du coeur et de la raison, sans créer d’illusions ». Ces deux approches se traduisent par des orientations souvent divergentes, on l’a constaté hier soir sur cinq sujets principaux. Le fossé entre les deux postulants s’élargissant essentiellement sur leur vision du travail et de la laïcité.
Travail, revenus
Benoît Hamon propose « un nouveau pilier à notre protection sociale », le fameux revenu universel, et veut réduire encore le temps de travail, jusqu’à 32 heures, payées 35. « La raréfaction du travail arrive, il vaut mieux commencer à anticiper cette réalité. » Il entend remédier à une situation actuelle où « explosent les souffrances liées au travail». Son revenu universel, qui pourrait aller jusqu’à 750 €, se concentrerait d’abord sur les 18-25 ans, sans conditions de ressources et coûterait, dit-il, «45 milliards d’euros», financés par un impôt sur le patrimoine et une taxe sur les robots, notamment.
Manuel Valls, lui, ne croit pas à la raréfaction du travail. Il privilégie «une sécurité sociale professionnelle, qui permette à chacun de se former tout au long de sa vie et de se préparer à des nouveaux métiers ». Il veut aussi redonner du pouvoir d’achat en défiscalisant les heures supplémentaires. « Ce que les Français demandent, c’est de travailler davantage, d’être mieux formés pour affronter le marché de l’emploi. » Le revenu universel, à ses yeux, est « une abdication, une acceptation du chômage». Il préfère « un revenu décent, la possibilité de fusionner les minimas sociaux, à hauteur de 800 sous conditions de ressources et toujours en lien avec le travail. Moi, je suis le candidat de la feuille de paie ».
Le déficit public
Benoît Hamon estime que l’on peut faire davantage de déficit public et ne veut pas augmenter les impôts. « J’assume de dire que l’option politique que je propose aspire à plus de justice et à mieux rémunérer le travail. »
Manuel Valls se cabre et convoque un besoin de crédibilité : «Tout ce que propose Benoît Hamon n’est tout simplement pas possible sans augmentation des impôts.»
La laïcité
« Ce n’est pas un glaive, c’est un bouclier », dit à son propos Manuel Valls, «mais c’est un combat politique, il ne peut pas y avoir le moindre accommodement avec l’islam politique. Il ne faut aujourd’hui rien céder. Il faut aider les femmes qui veulent s’émanciper ». « La laïcité, ce n’est pas un dogme religieux, c’est la nécessité de vivre ensemble », nuance Benoît Hamon, reprenant une formule de François Hollande. « La loi de 1905 est une loi de liberté. Là où une femme décide librement de porter le voile islamique, quoi que nous en pensions, nous devons lui assurer cette liberté. Les musulmans ont le droit d’afficher leurs convictions. » Il propose par ailleurs un corps d’inspecteurs, chargés de lutter contre les discriminations, de toutes sortes.
La sécurité
Manuel Valls souhaite que « soient renforcés les contrôles aux frontières extérieures de l’Europe ».
Benoît Hamon aspire en priorité à « une meilleure coopération des services de renseignement européens ». Manuel Valls estime «nécessaire la prolongation de l’état d’urgence » , là où Benoît Hamon juge «qu’il n’est plus utile aujourd’hui et que l’état de droit suffit, des moyens ayant été donnés aux forces de police et de justice ».
Manuel Valls considère nécessaire pour la France de continuer à s’engager sur les théâtres extérieurs et veut, en conséquence, augmenter son budget de la Défense. Sa priorité porte sur «la construction d’une défense européenne, face à une alliance hypothétique des présidents russe et américain ». Sur ce point, Benoît Hamon veut lui aussi resserrer les rangs par «davantage de défense européenne», en faisant également en sorte que «les pays européens soient moins dépendants en matière énergétique, à travers la transition énergétique. »
L’écologie
Benoît Hamon veut lutter plus radicalement contre les perturbateurs endocriniens et les produits toxiques. Il reproche à Manuel Valls d’avoir toléré le rejet des boues rouges de l’usine Alteo de Gardanne. «Il faut être beaucoup plus ferme avec les lobbys industriels», martèle-t-il.
Manuel Valls entend instiller plus de cohérence pour faire prévaloir les droits de l’environnement, «en fusionnant notamment les ministères de l’Industrie et de l’Ecologie». Président, il poursuivrait le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, « conformément au résultat du référendum qui l’a approuvé ». Benoît Hamon, lui, remettrait en cause ce projet, « dans l’impasse ».