De Bouchard : le pêcheur de Bormes libère l’Argentine
Il existe, à Buenos Aires, une grande place nommée Plaza Bouchard. Qui, parmi les immeubles qui se dressent là au milieu du tumulte de la capitale de l’Argentine, sait que ce nom désigne un pêcheur de Bormes-les-Mimosas dans le Var, devenu un héros de l’Amérique latine ? Hippolyte de Bouchard est né à Bormes le 15 janvier 1780. Son père est aubergiste à Saint-Tropez. Enfant, il n’a d’autre ambition que de pêcher le thon en Méditerranée et d’admirer au passage la baie de Saint-Tropez. A 18 ans, il entre dans la marine et lorsque, le 19 mai 1798, Bonaparte quitte Toulon pour la campagne d’Égypte, il est canonnier à bord du Généreux. Ce bateau sera l’un des deux rescapés du désastre d’Aboukir, qui oppose les Français aux Britanniques alors que Napoléon Bonaparte veut envahir l’Égypte. Hippolyte de Bouchard rentrera ainsi sain et sauf à Toulon. Il en repart début 1802 pour l’expédition glorieuse de Saint-Domingue, sous les ordres du général Charles Leclerc, époux de Pauline Bonaparte, soeur de Napoléon. Il en revient en 1803.
Un employé de l’arsenal de Toulon à Buenos-Aires
Entre temps, les ailes lui ont poussé. Il a pris goût aux mers lointaines. Il a l’idée d’aller rejoindre en Amérique du sud un marin, né lui aussi, à Bormes-les-Mimosas, mais en 1758 et portant le même prénom que lui, Hippolyte Mordeille. Ce Mordeille est allé guerroyer sur le Rio de la Plata pour préparer l’indépendance de l’Argentine. Hélas, de Bouchard arrivera trop tard. Mordeille a été tué lors d’un combat naval au large de Montevideo en 1807. À son arrivée à Buenos-Aires en 1809, Hippolyte de Bouchard prend contact avec Juan Bautista Azopardo, qui a été le second de Mordeille en Amérique du Sud et a travaillé dans sa jeunesse à l’arsenal de Toulon. Il se met à son service. Il combat sur mer et sur terre pour aider l’Argentine à gagner son indépendance face à l’Espagne. Il multiplie les actions héroïques. En 1813, il reçoit du nouveau gouvernement la nationalité argentine. Mieux : il se voit attribuer le statut de « corsaire argentin », chargé d’aller traquer les navires ennemis sur les mers du monde. Cela lui convient à merveille. A lui les grandes aventures ! A la mijuillet 1817, après avoir doublé le cap de Bonne Espérance, il a soudain l’idée folle d’aller délivrer Napoléon à Sainte-Hélène. Il y va, il y va pas ? Il renonce au dernier moment, se sentant insuffisamment prêt. A la place, il cingle vers Madagascar. Là, il empêche le chargement d’esclaves sur trois navires anglais et un français.
Assassiné au Pérou
Quelques mois plus tard, après s’être constitué une petite flotte, il bloque l’île de Luzon, qui est la plus grande des Philippines, coule seize navires espagnols, capture quatre cents prisonniers. En août 1818, il organise un blocus de la flotte espagnole en Haïti. Quelques semaines plus tard, il fait flotter le drapeau de l’Argentine sur Monterrey, capitale de la Californie. Le 25 janvier 1819 il bloque le port de San Blas et attaque Acapulco au Mexique. Il s’empare de Sonsonate au Guatemala et de Realejo au Nicaragua, où il capture quatre navires espagnols. Rien ne l’arrête ! Le voici à présent au Pérou. Il harcèle les positions espagnoles dans le Pacifique et se voit confier en 1828 le commandement de la marine péruvienne. Vint un moment où il fallait penser à la retraite. Le Pérou lui offrit une hacienda de production de sucre. Mais Hippolyte de Bouchard n’était pas fait pour vivre sur terre : il y sera assassiné par un de ses employés le 4 janvier 1837. Son corps a été inhumé au Panthéon naval de Buenos-Aires, où il demeure le seul marin de l’Indépendance de l’Argentine. Une ville d’Argentine porte son nom. Telle fut la vie d’Hippolyte de Bouchard, pêcheur de Bormes-les-Mimosas...