Budget hospitalier amputé : « Sanction et mépris »
La décision de l’Agence régionale de santé de retoquer le budget du Chits a fait sortir de ses gonds Vincent Carret, responsable local de l’association des médecins urgentistes de France
Après 48 heures de garde aux urgences du Centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne (Chits), Vincent Carret, ancien chef des urgences et membre du directoire de l’établissement, ne décolère pas. La tension palpable depuis plus d’un mois et demi dans le service, aggravée par un manque de lits (lire ci-contre), vient de monter encore d’un cran, avec la décision de l’agence régionale de santé (ARS) d’amputer le budget 2017 de 3 millions d’euros (notre édition d’hier). Le responsable local de l’association des médecins urgentistes de France s’est fendu, hier, d’un courrier adressé à Hubert Falco, sénateur-maire et président du conseil de surveillance de l’établissement. Ce médecin, qui entend « interpeller les candidats à la présidentielle sur les politiques de santé à venir », ne se montre pas tendre avec « un système et les orientations aberrantes » de la politique de santé en totale « rupture avec les équipes ».
Comme vivez-vous cette décision de l’ARS d’amputer le budget ? C’est une sanction pour nos équipes et cela est vécu comme un profond mépris pour l’ensemble des personnels soignants oeuvrant au sein de notre établissement par rapport aux efforts consentis. On tape et on sanctionne les bons élèves. C’est aussi un mépris du malade. millions d’économies demandés ? Ce sont les patients qui vont les payer.
Vous pointez du doigt les politiques de santé... Ces politiques hospitalières de santé aveugles et uniquement centrées sur l’économie à tout prix ont des conséquences et des effets pervers sur nos populations et nos équipes soignantes. Elles le paient cher, très cher... Aux urgences, c’est catastrophique. Nous avons un climat de tension et les conditions de travail se dégradent. Les équipes sont épuisées et nous n’arrivons plus à faire rentrer nos propres personnels. Nous sommes contraints de faire appel à de l’intérim. Moi, je veux qu’on dégraisse à l’Agence régionale de santé et nous avons qu’à récupérer une cinquantaine de postes de médecins et d’infirmiers, détachés dans les bureaux de l’ARS, pour les remettre sur le terrain ! Je m’appuie sur les projets des candidats à la présidentielle qui ciblent toute la bureaucratie et la technocratie dans les administrations.
Les décideurs sont-ils déconnectés du terrain ? Engager des politiques de santé hospitalières, dites responsables, c’est bien. En assumer les conséquences, c’est mieux. Ils étaient où tous ces décideurs pendant les périodes de forte tension et d’activité aux urgences, pour assumer les conséquences de leurs décisions ? Ils étaient cachés derrière les urgences et les urgentistes, seuls... Il y a une rupture avec les politiques et les équipes. Il y a une lâcheté et un manque de courage.
Les familles sont les premières victimes de ces économies... Aujourd’hui, les familles se réveillent. Nous sommes confrontés à des contentieux et la direction reçoit de plus en plus de courriers. Nous allons devoir répondre à cette question posée de plus en plus par les familles et les usagers prenant pleinement conscience de la situation : « Payons-nous de nos vies les conséquences des politiques de contraintes budgétaires et d’économies hospitalières de santé ? »
Soignants et usagers devront-ils mener des combats communs ? La semaine dernière, nous avons pris une décision avec Patrick Pelloux, président, et Christophe Prudhomme, porte-parole : lorsque des mesures économiques et des contraintes budgétaires mettront en danger la vie des patients, les équipes médicales se tourneront vers les familles et les associations d’usagers pour mener, ensemble, des combats communs.
Moi, je veux qu’on dégraisse àl’ARS”